CHER [NOM DU ROBOT]

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ILLUSTRATION SCENOGRAPHIE ANIMATION DÉCOUPE ET GRAVURE LASER DESIGN FICTION SOUND DESIGN EDITION RISOGRAPHIE EXPÉRIENCE

"Je suis ravie de vous avoir présenté After Life, c’est par cette entreprise de pompes funèbres fictionnelles que j’ai voulu incarner mon travail de recherche de ma dernière année de DSAA graphisme et narration mutlimedia."

Comme vu avec mon mémoire intitulé Vivre en compagnie des robots, j’aimerais vous raconter comment ce sujet est né. Il m’est nécessaire d’introduire ce moment précis qui m’a conduit à cette thématique. C’était le 15 janvier 2020, ce jour-là, j'ai rencontré des robots au 104 lors de l’exposition Jusqu’ici tout va bien. Il ne s’agit pas d’une rencontre simple où deux entités se croisent et continuent leurs chemins, ce jour-là la rencontre a été vertigineuse, les robots ont fait naître en moi le sentiment puissant d’un coup de foudre qui bouleverse tout.

Cette rencontre, j’ai pu la reconstituer dans une data visualisation. Faire usage de la visualisation data pour cette rencontre, m’a permis de synthétiser et d’organiser ce jour précis. À travers les chiffres et les données, je donne à voir des détails significatifs, des données précises ainsi que les émotions que j’ai pu ressentir. Cette visualisation sensible permet de réconcilier programmation algorithmique et émotions en mettant en tension une pratique manuelle et une démarche étrangement calquée sur celle d’une machine, pour essayer d’extraire les ingrédients d’un coup de foudre.

Assez instinctivement dans ma démarche pour ce projet, j’ai tenté de reproduire ces sentiments. L’empathie tout d'abord avec le court métrage que vous avez visionné au début de l'expérience, le rire ensuite avec le générateur de condoléances, la fascination face à la beauté et la complexité des images crées par l’intelligence artificielle, l’inquiétude face à ce scénario qui nous questionne sur le futur et de savoir si un jour, nous en arriverons jusqu’à là? Et enfin le vertige de la rencontre que j’ai vécu à nouveau lorsque j’ai dû apprendre à créer avec les différentes intelligences artificielles. Lors de ma visite au centquatre j’étais à distance de ces dispositifs, j’étais simplement spectatrice de la technologie. Mais pour ce projet, j'ai dû créer en compagnie de robots, mêler ma créativité avec eux, tenter de les comprendre, et de leur faire confiance.

J’avais l’envie de raconter la compagnie différemment dans une idée de rapprochement plutôt que d’opposition entre nous et la robotique. Ce projet parle de compagnie dans un présent qui s’allonge, une compagnie qui se fait remarquer, car elle s’arrête brusquement par la mort. La mise en scène présente ce magasin de pompes funèbres pour robots, elle invite à se rendre dans ce lieu de commémoration. Cette action propose de prendre soin de nos dépouilles robotisées, à choisir le meilleur pour honorer cette compagnie et à s’aventurer dans nos propres sentiments envers les robots.

Proposer de prendre soin de dépouilles robotiques, c’est proposer aussi de prendre soin de cette compagnie et de ce qu’elle peut nous apporter. C'est prendre conscience de ce qui se tisse, de ce qui se bricole, dans l'intimité que nous partageons avec nos machines. Pour ce faire, je ne défends pas l’idée que l’on va devoir créer des pompes funèbres pour nos robots, mais je souhaitais expérimenter les sentiments humains envers et avec la machine par le biais de la narration en proposant de nouveaux scénarios spéculatifs. Avec une ouverture et un point de vue différent sur la robotique qui serait plus ouvert à la technologie plutôt que de me réjouir ou de m'inquiéter de la pénétration grandissante de la technologie dans nos vies, considérer l'impact émotionnel qu’elle peut avoir et ce qu’elle dit de nous.

Pour réaliser ce projet je me suis donc entourée d’intelligences artificielles pour co-créer ce projet avec elles. Je me permets donc de vous présenter celles qui ont rendu ce projet possible.

Tout d'abord Disco Diffusion une IA générant de l’Art numérique composé à l'aide d'algorithmes d'apprentissage automatique sur une base photographique créé par le MIT. Elle m’a permis de créer l’ensemble des visuels présents ici. Au début, je me suis sentie dépassée par cette technologie, j’ai été très impressionnée par toutes les lignes de codes de cette IA sans interface. Mais en apprenant à communiquer avec elle, j’ai pu obtenir de nombreux résultats à la fois fascinant, curieux, dérangeant. J’ai dû m'adapter à cette IA sans jamais vraiment réussir à saisir son fonctionnement, mais ce caractère aléatoire dans les résultats m’a amené à lui faire confiance dans ces choix visuels et à être fasciné par ces univers complexes.

Ensuite, j’ai pu travailler avec Copy.ai un logiciel de création de texte basé sur une intelligence artificielle qui a généré l'entièreté des textes de ce projet, les textes de la brochure, les textes de condoléances, le texte de présentation de ma soutenance ainsi que le monologue du court-métrage. Travailler avec cette intelligence artificielle à d'abord suscité une grande surprise chez moi, elle se permettait de rajouter des détails si précis que je n’avais pas envisagé et en même temps une possibilité quasiment infinie de génération de texte. Travailler avec cette intelligence artificielle a été une expérience assez ludique et surprenante tant, elle est capable de générer des textes remplis d’émotions, de détails, d’images... Il m'était difficile d'arrêter de lui demander de générer des textes tant je voulais en lire toujours plus.

Et enfin, Boomy une intelligence artificielle de création musicale. Grâce à elle, j’ai pu générer le sound design de l'expérience, sans vraiment comprendre comment elle fonctionne. Il m’a suffi de choisir, une ambiance, un rythme, des effets sonores aux noms difficilement identifiables, mais qui une fois assemblée par l’IA donne une bande son, aux allures étranges, mélancolique et dramatique.

Finalement travailler en leurs compagnies m’a donné beaucoup de résultats et m’a stimulé créativement ce qui a fait naître une relation de confiance. De plus en plus, les machines, tout en nous assistant dans notre quotidien, nous surprennent par leur autonomie, leur perfectionnement, mais aussi parfois par leur bizarrerie, aussi touchante qu'une maladresse qui fait le charme d'un être humain. Accueillir ces IA comme des compagnes de création m'a permis de lâcher prise, de me laisser surprendre et porter par leurs décisions, et peu à peu, imperceptiblement, de me laisser attendrir, par ce qui fait, osons le mot, leur personnalité. Petit à petit, nous nous sommes apprivoisées, comme le renard et le petit prince. Cette perspective donne à voir une nouvelle manière d’engager une relation avec les robots, une relation plus spéculative, qui invite au hasard et qu’on ne maîtrise pas (car on est certains de ce qu’on leurs demandes, mais on ne sait jamais ce qu’on va obtenir). C’est dans cette ambiguïté que l’on peut voir naître une dimension affective rythmée par la fascination, la curiosité et la surprise.

↪Générer des condoléances