VIVRE EN
COMPAGNIE
DES ROBOTS
Manon Darrouzes
2022
VIVRE EN
COMPAGNIE
DES ROBOTS
vivre en compagnie des robots remerciements
5
vivre en compagnie des robots remerciements
4
Je tiens à remercier tout
particulièrement mes directrices
de mémoire Anne Mortal et Laure
Sieffert pour mavoir orienter,
guider et aider. Je remercie
également le reste de léquipe
éducative du DSAA pour leurs
conseils avisés. Je remercie aussi,
mes camarades, ma famille ainsi
que Mathilde et Chantal pour
leurs soutiens sans faille et leurs
encouragements. Enfin je remercie
mes parents pour la relecture et les
corrections apportées à mes écrits.
vivre en compagnie des robots
6
sommaire
1→ LES ENJEUX D’UNE
VIE À DEUX, COMMENT
ÉTABLIR UNE
COHABITATION ?
REMERCIEMENTS INTRODUCTION
① Les robots affectifs,
comment accordons-
nous notre confiance ?
② Jusqu'où peut aller
l’engagement affectif ?
Nos émotions
et les robots
Nouvelles espèces
compagnes: quelle
éthique pour la
robotique ?
page 2
page 14 page 22 page 29 page 41
page 7
vivre en compagnie des robots sommaire
7
2→ LES DANGERS
ET LES TRAVERS
DE LA ROBOTIQUE
AFFECTIVE
3→ L’EFFET MIROIR
D’UNE ROBOTIQUE
HUMANISÉE
① Leffroi, les clichés de
la science-fiction
① Comment notre
relation avec les robots
pourrait redessiner notre
monde ?
② Les dangers réels
de la compagnie des
robots
② Potentiel d’évolution
favorable, la robotique
peut-elle être un moyen
de présenter un futur
optimiste ?
③ Se prémunir des
risques, le design éthique
page 50
page 78
page 53
page 80
page 59
page 93
page 71
CONCLUSION
page 98
vivre en compagnie des robots introduction
9
« Êtres du futur, post-humains, les visiteurs viennent
découvrir un musée abandonné depuis l’an 2019,
après la disparition du genre humain. . . Salle après
salle, ils découvrent une exposition d’art contempo-
rain numérique et de robotique, dans laquelle les
œuvres ont continué à fonctionner en totale autono-
mie, sans les créateurs ni leur public initial.  ». Voici
l’introduction à l’exposition Jusqu’ici tout va bien ? qui
se tenait au Centquatre en 2020. Il mest nécessaire
d’introduire ce moment précis qui ma conduit à ce
mémoire. C’était le 15 janvier 2020, ce jour-là jai
rencontré des robots. Il ne sagit pas d’une rencontre
simple où deux entités se croisent et continuent leurs
chemins, ce jour-là la rencontre a été vertigineuse,
les robots ont fait naître en moi le sentiment puis-
sant d’un coup de foudre qui bouleverse tout. À leur
contact j’ai ressenti de l’empathie, de la fascination,
de la peur, de l’émerveillement, de l’amusement, de
la peine. . . Tant de sentiments qu’il ne m’avait jamais
été donné de ressentir sur des dispositifs numé-
riques. Cette fascination pour le bouleversement qu’a
fait naître cette rencontre, a guidé mes recherches et
mon intérêt pour tenter de décrypter ce que serait
notre vie en compagnie des robots.
INTRODUCTION
SEER, Takayuki Todo, 2018
vivre en compagnie des robots
10
introduction
Le robot est un concept vaste sur lequel il est difficile
de poser une définition cadrée et universelle. Il s’agit
d’un terme facile à définir, mais dont la réelle portée
est souvent difficile à appréhender. La robotique
désigne l’ensemble des techniques mises au point et
exécutées pour fabriquer des robots. Derrière cette
signification se cache des possibilités infinies et un
grand, un très grand éventail de champs d’applica-
tion. La définition sur laquelle je me suis basée pour
orienter mes recherches est celle, qui à mon sens,
définit le mieux ces êtres électroniques au sens ou
je les conçois: dans l’essai En compagnie des robots
paru en 2016 à partir d’une discussion entre Alain
Bensoussan, Kate Darling, Jean-Gabriel Ganascia et
Yannis Constantinidès que cette définition apparaît.
À la question « qu’est-ce qu’un robot ? » Jean Gabriel
Ganascia répond que tout d’abord les robots sont des
agents autonomes. Ce sont des machines qui techni-
quement enchaînent des actions sans que l’homme
ait à intervenir. Il définit cet agent autonome comme
« une entité qui reçoit des sensations ». Ces sensa-
tions sont des capteurs, tels que des caméras ou
encore des micros qui permettent aux robots d’être
en relation avec le monde extérieur. C’est en interpré-
tant les informations venant de ces capteurs qu’ils
doivent être capables d’accomplir des actions. On
attribue cette faculté à réfléchir et à agir à l’intelli-
gence artificielle, les robots choisissent d’eux-mêmes
quelle action exécuter parmi celle à leurs disposi-
tion. Les robots possèdent des « effecteurs », des
attributs leurs permettant d’agir sur le monde. Pour
synthétiser, le robot est un être autonome qui grâce
à des capteurs prend une décision qui lui permet de
passer à l’action et ceci sans intervention humaine.
Il poursuit en expliquant que le robot ne doit pas né-
cessairement être matériel (pas mécanique), il cite
notamment le film Her, mettant en scène un agent
conversationnel intelligent, qui apprend. Dans cet
exemple, il illustre le fait que ce robot n’a pas d’en-
veloppe physique, mais il « existe matériellement
dans le monde physique », pas dans notre manière
vivre en compagnie des robots introduction
11
à nous de le voir, mais bien dans les serveurs dans
lesquels il est hébergé et qui lui sont propres. En plus
de l’autonomie, le robot doit posséder « une certaine
complexité de comportement » sinon cette définition
pourrait sadapter à de simples automates. Il y a dans
le robot une certaine forme d’inconstance qui fait
qu’on ne peut pas prévoir totalement sa manière de
prendre une décision, ainsi que son comportement.
Yannis Constantinidès ajoute à cette définition que ce
qui différencie le robot d’un grille-pain, c’est que nous
lui ajoutons une âme. C’est d’ailleurs aujourd’hui tout
l’enjeu de la robotique, « réhumaniser les robots ».
On attribue aux robots des sentiments humains.
Selon lui la plus grande différence est « qu’on ne voit
plus en eux de simples choses, mais des personnes
en devenir ». En effet nous allons même jusqu’à les
nommer et par ce biais les ériger comme des « acteurs
sociaux ». Pour Jean-Gabriel Ganascia c’est le fait que
le robot est un dispositif sociotechnique que nous
considérons comme tel « il n’a de viabilité que vis-à-vis
des hommes qui lui attribuent sa signification », car en
dehors de ça il nest « quun amas de composants élec-
troniques et mécaniques ».
Dans l’extrait de la thèse de Antoine Auton (Modèle
de développement comportemental pour les créatures in-
telligentes dans les interactions contextuelles, sociales
et collectives. ), il nomme les robots comme des créa-
tures artificielles. Par ce changement de regard, il
questionne le rapport que nous entretenons avec
les robots intelligents. Lorientation du terme robot
vers la « créature artificielle » met en lumière que la
conception du robot la plus commune dans l’imagi-
naire collectif est très implantée comme une inven-
tion de l’homme dangereuse et effrayante, à l’image
de la créature de Frankenstein qui se retourne
contre son créateur. Il est impossible d’envisager
le robot sans la science fiction et tous les mythes
qui ont fondé notre imaginaire collectif. Pourtant
les robots de compagnie font déjà partie de notre
quotidien, il me semble donc intéressant de penser
vivre en compagnie des robots
12
introduction
le robot comme un système à part entière qui pose
des questions d’éthique dans nos comportements
vis-à-vis d’eux. Minsky Marvin disait, en 1986 dans
The Society of Mind , « tout peut être pensé comme
une société dès lors qu’il s’agit d’interconnexions
et d’interactions entre les éléments humains et/ ou
non humains ». Peut-on rapprocher ce point de vue
de celui de Descartes qui envisageait les animaux
comme des automates-animals ? Tandis qu’au-
jourd’hui nous vivons dans une société qui accorde
des droits aux animaux.
Pourquoi laisserions-nous entrer des robots dans
notre quotidien ? Les dispositifs robotique font
déjà partie intégrante du paysage quotidien de
nombreuses personnes. Leurs usages sont liés à
différents besoins: assistance vocale, assistance à
domicile pour les personnes dépendantes, assistan-
ce thérapeutique…Pourtant, les concepteurs de ro-
botique aujourd’hui nenvisagent pas seulement les
robots comme de simples assistants pouvant seule-
ment détecter et comprendre les informations mais
aussi, et surtout, simuler des sentiments humains.
Les robots comportent des enjeux sociaux plus im-
portants que leurs désignation d’assistant pourrait
le sous-entendre. Ils se profilent ainsi comme de
réels compagnons de notre quotidien, c’est d’ailleurs
comme ceci qu’ils sont souvent désignés dans les
écrits traitants d’eux. On parle de robots de compa-
gnie lorsque ces dispositifs sont capables d’interagir
avec l’humain par le biais des sentiments et des émo-
tions. C’est pourquoi on parle de compagnie plus que
d’assistance car, en ajoutant un enjeux d’implication
des émotions on cherche davantage à créer une rela-
tion entre l’humain et la machine. Pourtant le fait de
laisser entrer des entités dans notre quotidien pour
nous apporter de la compagnie, de l’assistance ou
encore de la distraction est assez courant. D’abord
nous pensons forcément aux animaux de compa-
gnie, autrement appelés animaux domestiques.
Ces compagnons présents dans près d’un foyer sur
vivre en compagnie des robots introduction
13
deux en France sont souvent considérés comme
des membres à part entière des familles. Bien qu’au
départ les relations affectives nétaient pas l’enjeu
principal des interactions entre hommes et animaux
de compagnies, ils se sont progressivement apprivoi-
sés pour créer une grande affinité mutuelle. Larrivé
du chien dans les foyers Romains fait un écho im-
médiat à l’arrivée imminente des robots dans notre
quotidien, « À Rome, si le chien était déjà considéré
humainement comme l’animal le plus fidèle, il n’avait
que pour intérêt premier de seconder l’homme au
quotidien dans le cadre des tâches les plus élémen-
taires de la vie (surveillance du bétail, chasse…).  »1.
C’est dans un but élémentaire de suppléer l’humain
dans ses tâches quotidiennes que le chien est d’abord
entré dans notre vie. Mais au cours des siècles, nos
relations avec nos animaux de compagnie se sont
peu à peu transformées, leur compagnie occupant
un rôle important de réconfort psychologique. En
d’autres mots cest ce qu’explique l’historien Éric
Baratay dans une interview pour France Inter paru
en 2020 au sujet des animaux domestiques. En guise
d’exemple il cite la première guerre mondiale « dans
tous les camps, dans les tranchées, des humains
se sont rapprochés de vaches, de chiens, de chats
errants et d’oiseaux pour combler leur solitude et leur
désarroi.  »2. Nos relations avec les animaux ont fait
du concept de compagnie le synonyme d’une relation
d’amour forte entre humain et non-humain, car dans
certain cas l’animal prend même la place d’un enfant
au sein du foyer.
1→ BOURQUIN Jimmy, « Histoire des
animaux domest iques : pourquoi nous
ressemblons-nous autant  ? », France Inter,
2020
2→ ibid
vivre en compagnie des robots
14
introduction
La question de vivre en compagnie des
robots renvoie à notre propre origine et
englobe forcément de nombreuses questions
éthiques: A-t-on le droit de donner vie
à des créatures dotées de perception,
d’intelligence et de sensibilité ? Quallons
nous créer et allons nous rester maître de
notre création ?
Nous créons des robots pour quils
soient nos serviteurs mais à partir d’un
vivre en compagnie des robots introduction
15
certain niveau dintelligence, d’émotions,
et de perceptions ne devrions nous pas en
faire nos égaux et leur donner des droits  ?
Comment ces êtres intelligents peuvent-
ils modifier notre manière de voir le monde ?
La création de robots de compagnie
se limite-t-elle seulement au service de
l’homme ? Lexpérience troublante que
nous vivons en leur présence pourra-t-elle
nous impacter en tant qu’individu ?
1LES ENJEUX
D’UNE VIE À
DEUX, COMMENT
ÉTABLIR UNE
COHABITATION?
Engineered Arts, Ameca, 2021
La dimension affective est un réel enjeu de la ro-
botique aujourd’hui. En effet, cet investissement
émotionnel est le point de départ de notre vie en com-
pagnie des robots. C’est sur la base de la confiance
que nous acceptons de laisser entrer les robots dans
notre quotidien. Sans cette sécurité nos craintes les
repoussent de nous. C’est ainsi que la question du
rôle et de la forme du robot entre en jeu, quels sont
les paramètres selon lesquels nous cédons notre
confiance aux robots ?
vivre en compagnie des robots comment accordons-nous notre confiance?
19
①LES ROBOTS AFFECTIFS,
COMMENT ACCORDONS-
NOUS NOTRE CONFIANCE ?
vivre en compagnie des robots
20
vivre en compagnie des robots comment accordons-nous notre confiance ?
21
Serge Tisseron3 dans son livre Le Jour où mon robot mai-
mera, paru en 2015 aux éditions Albin Michel, se pose
ainsi la question de savoir si un jour nous pourrons
tomber amoureux de notre robot ou encore préférer
leur compagnie à celle des humains, il est persua
que oui. Il assure même que les concepteurs de robot
sont bien conscients de ce scénario et ne cherchent
pas à l’éviter et pour cause: « l’intelligence artificielle
fait peur, l’empathie artificielle sera là pour nous ras-
surer »4. En effet, si le robot était simplement intel-
ligent et dénué de tout semblant de chaleur, alors il
ne serait qu’effrayant. Il nous faut interagir avec eux,
que nous sentions une part de « cœur » en eux: « il est
extrêmement important que nous puissions commu-
niquer avec ces robots comme avec un être humain,
c’est-à-dire en utilisant la voix, le regard et le geste.  »5.
Cette description de caractéristiques faite par Serge
Tisseron nest pas anodine, en effet, l’utilisation de
ces mimiques biens humaines, nous donne l’impres-
sion que le robot peut interagir de façon humaine
avec nous car il comprend ce que nous ressentons.
Il est nécessaire selon le psychanalyste6 « pour qu’un
robot soit totalement accepté, il est indispensable
qu’il parle avec des intonations et des mimiques qui
évoquent de vraies émotions.  » Ce sont des para-
mètres essentiels pour que nous puissions vraiment
faire confiance aux robots. Se pose alors la question
de savoir exactement quelles sont les caractéristiques
qui entrent en jeu dans l’abandon de nos craintes
concernant la robotique.
Pourtant, une ressemblance trop fidèle à l’humain
peut détruire la confiance. En effet, pour le chercheur
en Robotique Masahiro Mori7, passer un certain point
de ressemblance, notre sentiment de sécurité sécrou-
lait. C’est ce que le chercheur définit comme l’« uncanny
valley » dans son livre paru en 1970 « the uncanny valley »,
ce terme peut être traduit par « la vallée de l’étrange »,
« vallée dérangeante » ou encore « la vallée de l’an-
goisse d’étrangetée » (traduction proposée par de Serge
Tisseron dans son livre Le jour ou mon robot maimera).
Lexplication de ce phénomène est la
suivante : lorsque l’être artificiel est
suffisamment non-humain pour être
immédiatement reconnu comme un robot,
nous avons tendance à en remarquer
quelques aspects humains et à ressentir une
certaine empathie pour la machine. Mais
lorsque le robot a une apparence presque
entièrement humaine cela peut causer de
la confusion, par le biais d’une dissonance
cognitive; chaque aspect non humain du
robot provoque un sentiment d’étrangeté.
Les robots situés dans l’« uncanny valley »
sont inconsciemment considérés comme
des humains qui ne peuvent pas agir
normalement. En somme, lorsque des
robots se trouvent dans l’« uncanny valley »,
c’est que leur apparence tente d’imiter
celle d’un humain mais que des détails non
humains sont trop visibles et nous plongent
dans l’angoisse et le malaise.
comment accordons-nous notre confiance ?
représentation schématique et synthétique du principe de l’« uncanny valley »
4→ TISSERON Serge, Le Jour où mon robot maimera, édition Albin Michel, 2015
Psychiatre, docteur en psychologie habilité à diriger des recherches, membre de
l’Académie des technologies. Plus de la moitié de ses contributions (ouvrages, essais,
revues…) portent sur nos relations aux objets technologiques. Il étudie notamment la
façon dont les nouvelles technologies bouleversent notre rapport aux autres, à nous
même, au temps, à l’espace et à la connaissance.
5→ ibid
4→ ibid
6→ ibid
vivre en compagnie des robots
22
On retrouve aujourd’hui des applications concrètes
de cette théorie, c’est notamment le cas des pro-
thèses de main. Nombre de personnes amputées
choisissent de séquiper de prothèses robotiques
plutôt que de mains trop réalistes reproduisant les
rides, les veines et les ongles. C’est ce qu’explique
Jean-Louis Vercher, de l’Institut des sciences du mou-
vement, qui étudie la robotique bio-inspirée dans les
prothèses biomimétiques « On sest rendu compte
qu’une prothèse qui ressemblait à une main de robot
était beaucoup mieux acceptée par les patients et
par leur entourage qu’une main réaliste, car elle était
identifiée clairement comme une prothèse et non
comme une main qui aurait un défaut.  »8. C’est pour-
quoi de nombreux chercheurs se dirigent aujourd’hui
vers un design robotique assumé, proposant des pro-
thèses faites de métal pouvant rappeler les cyborg.
Certaines personnes vont jusqu’à revendiquer le ca-
ractère érotique et artistique de ces prothèses robo-
tiques, c’est notamment le cas de Viktoria Modesta,
une artiste amputée qui défnit son travail comme
post-humain et post-handicap.
comment accordons-nous notre confiance?
Viktoria Modesta for Harper’s Bazaar Hong Kong, Karl Lam
8→ BEN Lydia, « Petit détour par la vallée de
l’étrange », CNRS le journal, 2016
vivre en compagnie des robots
24
Néanmoins, la théorie de l’« uncanny valley » n’abolit
pas toutes les formes de réalismes anthropomor-
phiques. En effet, il existe un autre versant à la vallée
de l’étrange, il sagit du moment où notre confiance
remonte face à un robot à l’apparence humaine. Cet
inversement favorable de la courbe est permis, no-
tamment, lorsque le degré d’anthropomorphisme
est si élevé que nos craintes semblent seffacer. C’est
notamment ce qu’essaye de prouver David Hanson,
designer en robotique créant des robots humanoïdes
réalistes qui rétorque la dimension scientifique de
cette théorie. En effet, ce dernier met en œuvre de
nombreux dispositifs technologiques pour rendre
ses robots humanoïdes presque identiques aux
humains. C’est dans un rapport paru au nom de sa
société Hanson Robotics Inc, qu’il énonce le degré
de sophistication de ses robots, tant dans leur ap-
parence, dans les matériaux utilisés et dans les pro-
grammes technologiques exploités. Selon lui, ce sont
tous ces paramètres qui rendraient les robots les
plus acceptables possibles, c’est de cette façon que
le rapport se conclut « Nous pensons que pour que
les robots réalistes soient attrayants pour les gens,
ils doivent atteindre un certain niveau de réactivi-
té sociale intégrée et de raffinement esthétique »9.
Néanmoins même si les points de vues saffrontent
autour de la théorie du chercheur en robotique
Masahiro Mori, il a été démontré ces dernières
années que la robotique peut prendre une appa-
rence inquiétante lorsque celle-ci se rapproche trop
de l’humain. Lorsque Sofia créée par David Hanson,
le robot intelligent capable d’avoir une discussion et
plus de 62 expressions faciales avait été montré au
grand public, elle avait suscité de nombreuses réac-
tions allant de la fascination à l’inquiétude.
vivre en compagnie des robots comment accordons-nous notre confiance?
25
comment accordons-nous notre confiance?
Viktoria Modesta, Louis Banks
9→ HANSON David, OLNEY Andrew,
PRILLIMAN Steve, MATHEWS Eric
, ZIELKE Marge, HAMMONS Derek,
FERNANDEZ Raul, STEPHANOU Harry ,
« Upending the Uncanny Valley », 2005
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
26
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
27
Le robot Sofia de David Hanson ,Reuters
vivre en compagnie des robots
28
Hiroshi Ishiguro, un roboticien sétant donné la
mission de rendre les interactions entre robots et
humains les plus naturelles possibles10, est persua-
dé que la machine doit ressembler le plus possible
à l’humain. Son objectif est de créer un robot « qui
ressemble, bouge, et parle réellement comme un
humain ». Pour l’atteindre il a classé 5 degrés de
proximité successives entre un robot et son inter-
locuteur: son apparence, ses mouvements, ses sys-
tèmes de perceptions, ses interactions complexes,
ainsi que sa faculté à gérer un environnement social
et d’en tirer des enseignements. D’autre part pour
Serge Tisseron l’apparence ne semble pas être le
seul paramètre faisant que nous accordons notre
confiance aux robots. Dans son livre Le jour où mon
robot m’aimera, il avance que cest la cohérence des
réactions des robots qui nous rassure. Il cite comme
exemple certaines personnes atteintes de formes de
psychose qui dans leurs comportements peuvent
nous dérouter en ayant par exemple une remarque
« triste avec une mimique étonnée tout en affichant
une attitude empreinte d’abattement »11. Ici le point
de rupture pour nous est que toutes ces réactions
combinées renvoient à des « états mentaux incom-
patibles ». C’est exactement ce qu’il peut se passer
dans le cadre où un robot aurait des comportements
non-verbaux inadaptés à ce qu’il pourrait dire. Tout
comme M. Mori le citait dans sa théorie de la vallée
de l’étrange, ce schéma est de nouveau illustré avec le
zombie de science fiction. Ce qui dérange dans cette
figure est le fait qu’il ait l’apparence d’un humain
mais « c’est la dissociation qui existe entre leur ap-
parence humaine et le caractère non humain de leur
geste » qui crée une dissonance dérangeante pour
nous: « ce sont des humains discordants ».
comment accordons-nous notre confiance?
Ce que nous cherchons donc pour avoir confiance
en un robot pour S. Tisseron, c’est une forme d’har-
monie dans le comportement d’un robot, un accord
entre ce qu’il dit et ce qu’il exprime par sa posture,
ses gestes et son expression. Néanmoins, la cohé-
rence dans le comportement peut aussi se retrou-
ver dans un robot n’ayant pas de forme humanoïde.
Lexemple donné ici est celui de R2D2, le robot de
la saga Star Wars, un robot n’ayant aucune forme
proche de l’humain. Pourtant nous serions prêt à lui
accorder notre confiance, et pour cause, même s’il
ne communique qu’avec des sons synthétiques « sa
façon d’explorer l’espace nous paraît si proche de la
nôtre, y compris dans ses maladresses et ses hésita-
tions que nous somme prêts à lui faire confiance »12.
Par cet exemple, il nous est aisé de comprendre que
l’apparence d’un robot n’a pas lobligation de se rap-
procher de celle d’un humain si dans son comporte-
ment nous pouvons y retrouver de l’humanité.
À travers ces nombreux exemples, nous avons pu voir
que nos besoins d’identification et de reconnaissance
semblent être les paramètres les plus importants
pour céder notre confiance aux robots. Nous voulons
créer un rapport affectif avec eux en transposant nos
émotions. Néanmoins, jusqu’où cette relation peut-
elle nous conduire ? Est-elle sans risque ?
vivre en compagnie des robots comment accordons-nous notre confiance?
29
10→ Et si l’humain devait plutôt ressembler à la machine ?
C’est ce que Hiroshi Ishiguro interroge avec la création de son
jumeaux humanoïde au point de lui-même transformer son
propre visage pour quil soit le plus possible similaire à celui
de son double robotique « Landroïde à mon identité. Je dois lui
être identique, sinon je vais perdre mon identité ».
11→ TISSERON Serge, Le Jour où mon robot
maimera, édition Albin Michel, 208 pages, 2015
12→ Ibid
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
31
Dans son introduction Serge Tisseron13, débute par
l’exemple d’une femme agée à qui on a mis à dispo-
sition « un robot de compagnie perfectionné capable
d’identifier ses interlocuteurs et de dialoguer avec
eux ». Sa première réaction a été de voir en lui un
prince charmant, sans même prendre la mesure
qu’il ne s’agissait que d’un robot de compagnie. Se
sont ses émotions et ses désirs qui ont parlé pour
elle. Avec cet exemple Serge Tisseron questionne la
place que prendra et devra prendre le robot dans un
foyer; « sommes-nous certains qu’il suffise de conce-
voir des machines dans un certain but pour que les
utilisateurs s’y tiennent ? »14. Par cette question le
psychiatre met en exergue le potentiel émotionnel
impliqué dans les relations avec les machines, qui,
malgré le fait qu’il s’agisse d’une machine, peut sortir
de son cadre de conception pour créer de nouveaux
usages et comportements. Se pose alors la ques-
tion de savoir jusqu’où nos émotions pourraient
corrompre nos regards à l’égard de la machine pour
la considérer comme une entité à part entière et
peut-être même tomber amoureux delle ? Pourrait-
on concevoir d’entretenir des relations intimes et
sexuelles avec un robot ?
②JUSQU’OÙ PEUT
ALLER L’ENGAGEMENT
AFFECTIF ? NOS ÉMOTIONS
ET LES ROBOTS
13→ Ibid14→ Ibid
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
32
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
33
Les robots sexuels ou « sexbots se développent »
avec un futur marché estimé à plusieurs milliards
d’euros. Que ce soit au Japon, aux États-Unis ou en
Europe, les entreprises spécialisées dans la créa-
tion de ce genre de robots sont de plus en plus nom-
breuses. Il existe un préjugé extrêmement répandu
dans le fait d’entretenir une relation avec un objet
sexuel à forme humaine; selon lequel ces objets sont
destinés à une minorité d’individus souffrant de
problèmes relationnels. C’est ce qu’explique Agnès
Giard dans son livre Un désir humain, les love doll au
Japon. Même si dans ce livre il s’agit de saisir l’enjeu
des Love Doll au Japon, ce préjugé est applicable aux
relations sexuelles entre sexbot et humains. Elle ex-
plique que dans cette opinion réside l’idée selon la-
quelle les personnes se tournant vers ces poupées
seraient guidées par l’hédonisme « cet hédonisme
est d’ailleurs souvent associé au consumérisme et à
la fuite en avant vers « l’artificialisation de la vie »15.
Pour de nombreuses personnes les sexbot offrent
de considérables avantages, la machine ne peut pas
les trahir, elle restera pour toujours jeune et belle et
enfin elle ne résistera pas.
L’arrivée sur le marché de Roxxxy, une poupée robot
sexuelle, créée par l’entreprise True Companion, avait
commencé à soulever des questions éthiques concer-
nant les comportements immoraux envers les robots.
En effet, c’est en 2017 que l’entreprise provoque une
grande polémique en proposant des nouvelles per-
sonnalités à leur robot sexuel. Dans cette neuvième
version de la poupée robot sexuelle Roxxxy ses per-
sonnalités sont nommées de manière très expli-
cite « Wild Wendy » (« Wendy la sauvage »), « Mature
Martha » (« Martha la mature »), « S&M Susan »
(« Susan la S&M »), « Young Yoko » (« la jeune Yoko »)
et « Frigid Farrah » (« Farrah la frigide »). Frigid Farrah
était présentée comme étant « réservée et timide »,
elle avait été programmée pour réagir et résister
lorsqu’on la touchait « Si vous touchez ses parties
intimes, il est plus que probable qu’elle napprécierait
pas vos avances », explique le fabricant. Young Yoko
quant à elle, était dépeint comme étant « si jeune (à
peine 18 ans) » et attendait « que vous lui appreniez
des choses ». Ces deux personnalités annonçaient
donc explicitement que vous pouviez les violer ou
encore avoir des rapports sexuels de nature pédo-
phile. D’autant que le fabricant présentait son robot
comme permettant aux utilisateurs « de réaliser leurs
rêves sexuels les plus privés », « de faire de leurs rêves
une réalité », comparant donc le viol à un « rêve ».
Deux avis se partageaient alors, « Il y a des gens qui
disent qu’il est préférable que des robots soient violés
plutôt que de vraies personnes. D’autres assurent
que cela encourage davantage les violeurs.  » comme
l’annonçait Noel Sharkey16, un professeur membre
de la Fondation pour une robotique responsable17.
On peut donc voir dans cet exemple que certaines
personnes font valoir la portée cathartique dans nos
comportements vis-à-vis des robots. En effet, pour les
personnes se positionnant en faveur d’une forme de
défoulement envers les robots, il est préférable que les
individus assouvissent leurs pulsions envers un robot
pour qu’ils n’aient pas à le faire envers des humains.
Mais pour Laura Bates, fondatrice de Everyday
Sexism, banaliser ce genre de comportement dans
le cadre de relations sexuelles avec des robots, en-
courage et entretient la culture du viol. C’est dans
une tribune publiée dans le New York Times intitulée
« The Trouble With Sex Robots » (« Le problème avec
les robots sexuels ») qu’elle rappelle que « le viol nest
pas un acte ou une passion sexuelle. C’est un crime
violent »18. Pour elle, cet agissement délétère ne serait
qu’un moyen de normaliser les violences sexuelles,
en les rendant plus acceptables puisque non assou-
vies sur des humains mais sur des robots.
C’est dans le podcast « nos robots méritent-ils
des droits ? » publié sur le site internet I am Techno
Curious que Charles Corval, doctorant à Sciences Po
en sciences politiques et en philosophie, annonçait
l’utilité de donner des droits aux robots pour éviter
15→ DEVILLERS Laurence, Les robots
émotionnels: Santé, surveillance, sexualité. . .  : et
l’éthique dans tout ça  ?, édition L’Observatoire
Eds De, 2019
16→ Noel Sharkey est un informaticien né à
Belfast. Professeur émérite de l’université de
Sheffield, il est surtout connu auprès du public
britannique pour ses apparitions à la télévision
en tant qu’expert en robotique, notamment dans
les émissions Robot Wars et Techno Games
17→ TIMMINS Beth, « New sex robots with
« Frigid » settings allow men to simulate rape »,
The Independent, 2017
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
34
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
35
de voir nos comportements avec eux se généraliser
aux relations humaines19. Laura Bates elle aussi sou-
ligne aussi ce transfert de comportement « Oui, les
aides sexuelles existent depuis longtemps, mais les
robots sexuels positionnent les femmes comme des
jouets, des objets avec lesquels les hommes peuvent
jouer. [. . . ] Ils reproduisent en fait de vraies femmes,
avec tout, sauf l’autonomie.  »20. Elle ouvre le fait quil
est aisé de transférer des comportements avec les
robots aux humains. Même sil sagit d’une machine,
il est très difficile de garder cette limite d’une relation
simplement entre un homme et un robot. En effet,
l’argument des constructeurs était que les utilisa-
teurs savaient très bien qu’il s’agissait d’une machine
et qu’ils savent faire la distinction entre ce qu’ils font
avec une machine et ce qu’ils ne feraient pas avec
un•e humain•e.
Néanmoins cette limite entre humain et machine s’es-
tompe dès lors que des sentiments entrent en jeu.
C’est ce que démontre l’exemple de Joshua Barbeau,
un informaticien Canadien qui a créé un chatbot en-
traîné avec les données de sa petite amie décédée. Par
sa qualification professionnelle et par le fait qu’il est
le créateur de cet agent conversationnel, il savait très
bien qu’il s’adressait à une machine, il nétait pas dans
l’illusion qu’il sagissait de sa petite amie. Et pourtant à
force de converser régulièrement avec ce chatbot il a
perdu le contrôle, il ne pouvait empêcher ses émotions
de prendre le dessus « intellectuellement [il savait] que
ce nétait pas réellement Jessica, sauf que vos émo-
tions ne sont pas quelque chose d’intellectuelle »21. Cet
exemple pose un point d’alerte concernant l’implication
émotionnelle forte dans nos relations avec les robots
liée au fait, selon Laurence Devillers professeure d’IA
et d’éthique à l’université Paris-Sorbonne, que les
chatbot ont aujourd’hui trop de personnalité : « Jusquà
présent les chatbots avaient un langage réduit, donnant
l’impression qu’ils navaient aucune imagination, mais
leurs concepteurs cherchent aujourd’hui à leur donner
un langage beaucoup plus réaliste »22.
Ce réalisme, couplé à une tendance anthropomor-
phique forte, présente de nombreux risques concer-
nant notre libre arbitre. En effet, parmi les dérives
permises par notre engagement émotionnel, il est faci-
lement envisageable que l’on pourrait développer une
addiction à dialoguer avec des chatbots fascinants, et
à être incité à changer d’opinion ou encore acheter des
produits. . . Cet engagement est sans grands risques
dans l’histoire de Joshua Barbeau, pourtant il existe des
cas où l’engagement émotionnel d’un humain vis à vis
de sa machine peut s’avérer dangereux.
C’est notamment le cas des robots démineurs et des
soldats américains. Effectivement, les robots sont pré-
sents dans notre quotidien ménager, mais ils ont un
rôle de plus en plus crucial dans l’armée aussi. Ce sont
de réels compagnons d’armes avec lesquels les soldats
nouent une relation affective forte. Si bien que cer-
tains combattants admettent ressentir de la frustration
mais aussi de la tristesse lorsque leurs fidèles engins
sont détruits. Le récit surement le plus connu est celui
d’un soldat désespéré venu imploré le mécanicien de
réparer « Scooby-Doo »23. Malgré le fait quun nouveau
robot démineur lui avait été attribué, le soldat restait in-
consolable après la perte de son compagnon. Pourtant
cet engin ne ressemble en rien à un être vivant, mais
ce sont les épreuves terribles auxquelles sont confron-
tés les soldats avec ces machines qui tissent des liens
affectifs forts entre eux. Serge Tisseron rappelle que
« Les militaires savent très bien que ces robots sont des
outils, mais ils ne peuvent pas sempêcher de les traiter
parfois comme un animal domestique, voire comme un
autre humain, au risque de provoquer de graves pro-
blèmes sur le champ de bataille »24. Le cas des robots
démineurs est très largement représenté et analysé,
car cet exemple donne à voir un comportement concret
et extrême, dans un cas où le robot ne possède pas de
forme anthropomorphique. Cet exemple est probable-
ment le cas le plus extrême recensé aujourd’hui dans le
cadre de l’implication émotionnelle d’un homme envers
une machine.
19→ Animé par Augustin, Saison 2 - épisode 5 « Nos robots méritent-
ils d’obtenir des droits  ? », IAM TECHNOCURIOUS, 2020 avec
Charles Corval : Jeune chercheur en philosophie et théorie politique.
Développe ses connaissances dans le domaine de la phénoménologie, des
nouveaux objets et artefacts techniques (robots, jeux-vidéos, réseaux
sociaux, etc), et de la politique des objets technologiques.
21→ LEGLU Dominique, « Attention, un
chatbot est un robot et pas un être humain »,
Sciences Avenir, 2021
20→ Laura Bates - Op. cit 22→ Ibid
23→ BRENDT Rose, « The Sad Story Of A
Real Life R2-D2 Who Saved Countless Human
Lives And Died », Pedestrian, 2011
24→ TISSERON Serge, Le Jour où mon robot
maimera, édition Albin Michel, 2015
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
37
Pour autant peut-il exister une portée
bénéfique lorsque la frontière entre
l’homme et la machine sestompe ?
C’est en tout cas ce que semble promettre
Paro, un robot-phoque utilisé dans les
EHPAD, qui ronronne quand on le caresse
et qui nous regarde quand on lui parle.
C’est « un outil de médiation relationnelle,
de partage et de bien être »
xemple de robot OED, robot démineur avec un soldat
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
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vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
39
Paro le robot phoque affectif présent en EHPAD dans les bras d’une patiente
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
40
vivre en compagnie des robots nos émotions et les robots
41
Cathy Mignon qui est psychologue dans un EHPAD
se demande si elle ne dupait pas les résidents,
puisque certains n’ayant plus toutes leurs capacités
intellectuelles ne distinguaient pas Paro dun animal
de compagnie. Mais cette question à très vite était
mise de côté, selon elle, lorsque ses équipes se sont
rendu compte à quel point la présence de Paro était
bénéfique pour les patients. En effet, Paro est un
robot émotionnel d’assistance thérapeutique, selon
ses constructeurs: son ergonomie, son poids et ses
traits apaisants, visent à offrir aux professionnels de
santé un outil simple d’utilisation et de haute tech-
nologie permettant de véhiculer les bénéfices de la
thérapie animalière, en procurant une amélioration
du bien-être et de la qualité de vie des patients dans
un cadre non médicamenteux. Grâce à de nom-
breux capteurs, il peut se blottir contre les patients,
gémir, et réagir à divers stimulus. De nombreux té-
moignages relatent les bienfaits de la compagnie de
ce robot, que ce soit au niveau psychologique, phy-
siologique ou encore sur le plan social. Tout ceci est
notamment dû à son apparence de phoque, celle-ci
nest en rien un hasard. Pour qu’il soit accepté par la
majorité des patients, les concepteurs ont choisi de
lui donner cet aspect plutôt que celui d’un chien par
exemple, car, rares sont les personnes qui ont déjà pu
rencontrer un phoque, et ne peuvent donc pas, de ce
fait, être déçues par son apparence physique et ses
réactions. Pour autant l’utilisation de ces robots res-
pecte-t-elle la dignité des personnes âgées ? Yannis
Constantinidès dans l’essai En compagnie des robots
parle de ce robot comme « un objet transitionnel. .
vers la mort »25 Là où le doudou par exemple est pour
les enfants un moyen de se détacher de ses parents.
Paro serait un moyen, selon lui, de traiter les per-
sonnes âgées comme des enfants. Cette remarque
pose des questions éthiques, ces robots sont-ils un
substitut au contact humain et donc un synonyme de
délaissement des personnes âgées ?
Jean-Gabriel Ganascia quant à lui soppose à ce point
de vue de l’infantilisation, car, pour lui on ne perd pas
sa dignité en sattachant à une poupée par exemple26,
ce comportement n’admet pas beaucoup de risques.
En effet, la dignité dans sa définition philosophique
concerne le respect, et selon lui, « la personne qui
adopte un robot ne semble ni asservie ni instrumen-
talisée ». De plus, selon lui, ces robots de compagnie
savèrent très utiles dans certaines situations et pour
plusieurs pathologies. Pour autant est ce que les
bienfaits apportés par la robotique chassent toutes
les questions éthiques qui lui sont liées ?
Une relation trop forte envers les robots soulève
beaucoup de questions concernant l’implication des
humains dans cette relation. Nombreuses personnes
tel que Serge Tisseron préconise de penser dès à
présent notre futur vie en compagnie des robots
et d’envisager les différents scénarios pouvant se
produire pour ne pas laisser aux roboticiens le
pouvoir de créer une robotique selon leurs seules
envies. Se pose alors la question suivante: quelle
éthique pour la robotique ?
25→ En compagnie des robots, édition Premier Parallèle, 2016 ouvrage
collectif avec notamment Yannis Constantinidès (agrégé et docteur
en philosophie, professeur d’éthique médicale à l’Espace éthique de la
région Île-de-France. On lui doit Le Nouveau culte du corps (François
Bourin, 2013), qui traite notamment de notre perception du corps à
l’heure de l’hybridation. )
26→ En compagnie des robots, édition Premier Parallèle, 2016 ouvrage collectif avec notamment Jean-Gabriel Ganascia
(professeur de sciences informatiques à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), chercheur au Laboratoire d’informatique de
l’université Paris-VI, membre du COMETS (Comité d’éthique du CNRS). Il a participé au rapport du CERNA (Commission de
réflexion sur l’éthique de la recherche en sciences et technologies du numérique dAllistène), dont il est membre, sur léthique de la
recherche en robotique. Il est notamment l’auteur de L’ me Machine (Seuil, 1999), 2001, L’Odyssée de l’esprit (Flammarion, 1999),
Idées reçues sur l’intelligence artificielle (Le Cavalier Bleu, 2007), et Voir et pouvoir, qui nous surveille  ? (Le Pommier, 2012). )
vivre en compagnie des robots quelle éthique pour la robotique?
43
Donna Haraway écrivait dans son livre Manifeste
des espèces compagnes paru en 2003 « Vivre avec
les animaux, investir leurs histoires et les nôtres,
essayer de dire la vérité au sujet de ces relations, co-
habiter au sein d’une histoire active : voilà la tâche
des espèces compagnes.  ». Ce livre fait suite à son
Manifeste cyborg paru en 1984, il sagit d’une actuali-
sation des enjeux théoriques qu’elle avait déployée
en parlant du cyborg. Elle y parle des « êtres autres
qui comptent », en prenant pour appui sa relation
avec sa chienne Pepper avec laquelle elle entretient
« une histoire d’amour ». C’est donc par la relation
d’amour que Donna Haraway nous invite à réfléchir
à ce qu’elle appelle les espèces compagnes dans
son manifeste. Pour elle, les espèces compagnes
représentent toutes les espèces avec lesquelles on
a eu des interactions au cours de l’histoire, avec
lesquelles nous avons des échanges permanents
qui nous ont construits autant que nous les avons
construits, pour elle il sagit du riz, des abeilles, de
la flore intestinale… C’est-à-dire, d’après elle, nous
faisons système avec l’ensemble du vivant c’est le
principe qu’elle nomme « natureculture » qui fait di-
rectement écho à sa figure du « cyborg ». Le principe
de « natureculture » est un néologisme qui définit le
fait qu’il n’y a ni nature ni culture mais un mélange
indémêlable de l’un et de l’autre.
NOUVELLES ESPÈCES
COMPAGNES: QUELLE
ÉTHIQUE POUR
LA ROBOTIQUE ?
vivre en compagnie des robots nouvelles espèces compagnes
44
vivre en compagnie des robots quelle éthique pour la robotique?
45
Pour illustrer cet entremêlage permanent, Vinciane
Despret qui a préfacé ce manifeste explique que
les espèces compagnes transforment les gens et le
rapport qu’ils entretiennent avec leur milieu. Par ce
fait elles remettent en question notre individualité,
et selon elle « nous n’avons jamais été des individus,
avec tout ce qui nous compose, nous sommes des sys-
tèmes, des sociétés »27 et nous faisons système avec
l’ensemble du vivant. Ce glissement vers le terme
d’espèces compagnes, favorise l’idée d’un vivre en-
semble d’un réel compagnonnage entre les espèces.
Le compagnonnage est le fait d’avoir pour compa-
gnon quelqu’un ou quelque chose dont nous sommes
nous même compagnon. Autrement dit, il pourrait
être intéressant de penser notre future vie en compa-
gnie des robots selon cette relation d’échange mutuel
constant, en pensant les choses vivantes comme
des réels systèmes avec lesquels on peut se mélan-
ger pour évoluer. Pour se faire il faudrait penser la
robotique dans sa relation avec l’homme, comme le
préconisait Simondon dans son livre paru en 1958
Du mode d’existence des objets techniques. Il préconisait
d’éloigner les préjugés sur l’objet technique, car pour
lui nous sommes nous-mêmes des objets techniques.
En effet, notre méconnaissance nous empêche d’en-
tretenir une vraie relation aux objets techniques, car,
lorsque l’on s’aperçoit que notre contrôle nest pas
ultime sur la machine, c’est notre peur qui prend le
pas. Le malentendu repose sur le fait que nous esti-
mons que plus une machine est automatisée plus elle
a un degré de technicité élevé, hors pour Simondon
c’est le contraire. La machine se dispense de l’exercice
d’une force humaine, elle accomplit seule la tâche.
L’automatisation apparaît au premier abord d’une
plus grande technicité mais elle est en réalité une fer-
meture de l’objet sur lui-même, d’une forme de limite.
C’est la limitation de cette machine à des tâches bien
déterminées. Lobjet de haute technicité est un objet
avec lequel on communique, un objet ouvert, qui nest
limité qu’à une seule tâche, l’interaction est plus im-
portante. Pour Simondon un objet ouvert a la capacité
27→ Podcast Animé par VAN REETH Adèle
et MOSNA-SAVOYE Géraldine, « La langue
souple et agile de ma chienne a nettoyé les tissus
de mes amygdales », France culture, 2021, avec
Vinciane Despret
à assimiler une information extérieure et qui nest pas
bloqué sur une tâche prédéterminée. Ce qu’il propose
ce nest pas tant de mesurer la performance technique
(efficacité) mais plutôt l’ouverture. Il préconise que
l’on devrait avoir un rapport éthique aux objets tech-
niques, pour lui nous ne sommes pas les maîtres d’ob-
jets auxquels nous refusons d’entretenir des relations
éthiques, mais plutôt, nous devons créer quelque
chose, nous devons agir envers les objets techniques
en communiquant avec eux, nous devons leur deman-
der, nous devons agir pour obtenir le résultat que nous
souhaitons. Il propose de décaler le regard que nous
avons sur l’objet technique, arriver à le penser autre-
ment qu’avec les critères objet-sujet (avec binarité). La
créativité permise par les objets techniques est ce qui
est rendu possible par une interaction maximale avec
cet objet, car si nous ninteragissons pas nous sommes
limités par les simples usages de la machine.
La pensée de Donna Haraway pourrait se calquer sur
nos rapports aux robots. Pour elle « une espèce com-
pagne ne peut exister seule ; pour en faire une il en
faut au moins deux. C’est compris dans la syntaxe ;
c’est compris dans la chair », elle met en exergue le
fait qu’une relation de compagnie nécessite forcé-
ment deux entités qui existent l’une pour l’autre,
qui dépendent l’une de l’autre. En effet, le robot na
pas vraiment de mode d’existence au-delà de ce
que l’homme lui octroie, comme expliqué par Jean-
Gabriel Ganascia dans le livre En compagnie des robots,
« qu’est ce qu’un robot ? [. . . ] ce nest pas seulement
une entité matérielle. C’est aussi un dispositif socio-
technique dans la mesure où il n’a de viabilité que
vis-à-vis des hommes qui lui attribuent sa significa-
tion; en dehors, il nest rien quun amas de compo-
sants électroniques magnétiques »28.
Vivre en compagnie des robots implique donc un
investissement actif de la part des deux parties, car
ce nest que comme ça que le vivre ensemble pourra
se profiler.
28→ BENSOUSSAN Alain, DARLING
Kate, GANASCIA Jean-Gabriel,
CONSTANTINIDES Yannis, En compagnie
des robots, édition Premier Parallèle, 2016.
vivre en compagnie des robots nouvelles espèces compagnes
46
vivre en compagnie des robots quelle éthique pour la robotique?
47
Les innovations technologiques proposaient
déjà des enjeux éthiques dans la science-fiction.
Les quatres lois de la robotique furent le fruit de
discussions entre Isaac Asimov et John Campbell
autour du thème des robots. Elles furent citées
explicitement pour la première fois en 1942 dans
la nouvelle Cycle fermé (Runaround). Des lois
permettant à la machine de ne jamais faire du mal
à un humain, alors même qu’Asimov lui-même était
persuadé que cela narriverait jamais.
Loi Zéro : Un robot ne peut pas porter atteinte à l’humanité,
ni, par son inaction, permettre que l’humanité soit exposée au
danger ;
Première Loi : Un robot ne peut porter atteinte à un être
humain, ni, restant passif, permettre quun être humain soit
exposé au danger, sauf contradiction avec la Loi Zéro ;
Deuxième Loi : Un robot doit obéir aux ordres que lui donne
un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la
Première Loi ou la Loi Zéro  ;
Troisième Loi : Un robot doit protéger son existence tant que
cette protection nentre pas en conflit avec la Première ou la
Deuxième Loi ou la Loi Zéro ».
« 
vivre en compagnie des robots nouvelles espèces compagnes
48
vivre en compagnie des robots quelle éthique pour la robotique?
49
Le Parlement européen a fait référence aux lois dAsi-
mov dans sa résolution du 12 février 2019 sur une
politique industrielle européenne globale sur l’intel-
ligence artificielle et la robotique (« Principes géné-
raux : considérant qu’il y a lieu de considérer les lois
d’Asimov comme sappliquant aux concepteurs, aux
fabricants et aux opérateurs de robots, y compris de
robots dotés d’autonomie et de capacités d’auto-ap-
prentissage, étant donné que lesdites lois ne peuvent
être traduites en langage de programmation »).
Il est aussi nécessaire de prendre en compte dans
l’éthique la notion d’implication des sentiments
humains vis-à-vis des machines. Pour non pas
chercher à contrôler notre attachement aux robots,
mais peut-être sen servir comme un levier servant à
déceler les comportements pouvant être considérés
comme moralement inacceptables sur la machine ?
Prenons l’exemple des combats de robots, une dis-
cipline assez répandue aux Etats Unis. Une sorte de
combat de gladiateurs dans une arène spécifique,
dans lequel il faut détruire jusqu’à l’agonie ses adver-
saires robots. Ces combats sont d’une extrême vio-
lence, outre le fait qu’il questionne aussi les combats
d’animaux, on pourrait se demander: faut-il les inter-
dire ? Il est évident que le robot n’a pas de capacité à
souffrir. En revanche, c’est bien le spectateur qui peut
se retrouver choqué par ce spectacle d’une extrême
violence. En particulier parce que l’humain identifie
le robot comme un agent qui souffre en transposant
ses émotions.
capture d’écran d’une vidéo de combat de robot, postée sur la chaîne BattleBot en 2017, deux robots en plein combat
vivre en compagnie des robots nouvelles espèces compagnes
50
Ainsi pour Jean-Gabriel Ganascia29 il est nécessaire
d’interdire ce genre de combats, non pas pour pré-
server l’intégrité de ces robots mais plutôt car « en le
tolérant, en m’y habituant et en y restant insensible,
on pourrait craindre qu’à l’avenir je tolère, m’habitue
et demeure insensible aux formes de violences exer-
cées à l’encontre de tous ceux pour lesquels je suis
susceptible d’avoir de l’empathie.  ». C’est bien ici la
notion d’empathie qui est mise en jeu, qui révèle les
problèmes de ce genre de comportement pour nous
les humains. Pour lui aujourd’hui il nest pas néces-
saire de parler d’un droit pour les robots pour autant.
Une pensée que son confrère Alain Bensoussan30
contredit car selon lui il faut « construire un droit qui
fait que toute l’empathie que ce robot suscite puisse
sinscrire dans le cadre juridique », lui aussi se po-
sitionne en faveur de l’interdiction des combats de
robots, mais pour lui il en va de la dignité des robots,
d’une éthique des robots.
En effet, le robot est un agent autonome ayant la ca-
pacité d’apprendre, alors qu’en serait-il si les compor-
tements violents faisaient partie de son quotidien ?
Il serait capable de se « reprogrammer » et ses réac-
tions seraient différentes de ce que les concepteurs
avaient imaginé. Voilà pourquoi il est important de
penser à une éthique pour la robotique: « Il faut uti-
liser et apprendre aux robots des règles qui doivent
être dignes »35. Les enjeux de cette anticipation sont
déjà très nombreux : protéger les hommes de ce que
cette nouvelle compagnie peut impliquer pour eux,
se prémunir de nos propre comportement vis-à-vis
de cette espèce, construire un vivre ensemble harmo-
nieux et apprendre de cette compagnie…
29→ Ibid 30→ Ibid avec notamment Alain Bensoussan, avocat
à la cour d’appel de Paris, spécialiste en droit des
technologies avancées, et auteur du livre Droit des
robots (avec Jérémy Bensoussan, Larcier, 2015)
31→ Ibid
James Cameron, Terminator, 1984
2LES DANGERS
ET LES TRAVERS
DE LA ROBOTIQUE
AFFECTIVE
Leffroi, les clichés de la science-fiction
vivre en compagnie des robots
55
Afin d’entamer cette partie développant des risques
de la robotique, il est nécessaire de faire un retour
au source de ce que cela représente pour nous au-
jourd’hui. En effet la robotique est un champ qui a
été plus qu’exploité dans le domaine de la science
fiction créant un réel imaginaire collectif autour de la
robotique empli de fantasmes et de peurs. Le terme
« robot » fait sa première apparition en 1920 dans
une pièce de théâtre tchèque « RUR », robot est un
mot dérivé de Robota (travailler) et Rob (esclave). Les
robots, dans cette pièce de théâtre, étaient des êtres
travailleurs produits en série, mais qui finissent par
vouloir anéantir l’humanité; scénario repris depuis
de nombreuses fois dans la science-fiction. Les
robots sont donc dans un premier temps des pro-
duits de science fiction (film Métropolis 1927). Mais
ils sont inspirés d’une réalité plus ancienne, culturel-
lement (thématique de l’objet non conscient créé par
l’homme devenant conscient) avec le mythe du Golem.
L’ÉFFROI, LES CLICHÉS
DE LA SCIENCE-FICTION
vivre en compagnie des robots Leffroi, les clichés de la science-fiction
Dans la mythologie juive, il y a le Golem, être
d’argile dépourvu de libre arbitre, créé pour
assister et protéger son créateur.
Sur son front est inscrit en hebreu « la
vérité », chaque vendredi il doit être
désactivé pour ne pas travailler. Un jour
son créateur oubli et le golem risque de se
retourner contre son créateur. Ce dernier
efface la première syllabe de linscription
qui devient « la mort ». Le golem sécroule.
Paul Wegener, Le Golem, comme il vint au monde, 1920, Deutsche Kinemathek, Berlin.
Leffroi, les clichés de la science-fiction
vivre en compagnie des robots Leffroi, les clichés de la science-fiction
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vivre en compagnie des robots Leffroi, les clichés de la science-fiction
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Cette thématique de la créature se retournant contre
son créateur est plus que récurrente et a été plus
qu’exploitée au cours de l’histoire. La science-fiction
étant un genre d’anticipation, elle a été le tout premier
modèle d’une société robotique. La science-fiction
et la réalité sont étroitement liées car elles se nour-
rissent l’une l’autre. À l’origine, ce sont les écrivains
de science-fiction qui sinspirent du contexte dans
lequel ils vivaient ou ont vécu. Leur travail reflète des
questions, des espoirs et des préoccupations concer-
nant le développement du monde. Néanmoins, il ne
faut pas oublier que la science-fiction ne doit pas né-
cessairement être réaliste et n’a pas la capacité de lire
l’avenir, elle permet donc beaucoup d’exagération et
de fantaisie.
Malgré tout, cette réalité fantasmée constitue un
schéma de pensée connu de tous. Il est difficile pour
beaucoup de savoir discerner le vrai de la fiction
lorsque les scénarios deviennent réels. Une des
peurs principales véhiculée par ce genre est celle
de la domination des machines. Une peur qui prend
source dans les écrits présentant la machine comme
surpassant l’homme et voulant le contrôler. Un
scénario que l’on retrouve notamment dans le film
I Robot réalisé par Alex Proyas avec Will Smith, Alan
Tudyk sorti en 2004. Ce film s’inspire grandement
des œuvres d’Isaac Asimov Les Cavernes d’acier (1954)
et Les Robots (1950) ainsi que de la nouvelle Le Robot
qui rêvait (1988). Dans ce film, lintelligence artificielle
chargée de l’harmonisation de tous les systèmes ro-
botiques de la planète considère les hommes comme
des faibles d’esprits bons qu’à créer des armes pour
sentretuer. L’intelligence artificielle prend donc la
décision de protéger les hommes d’eux-mêmes en
les asservissant. C’est aussi un scénario proche de
celui que l’on retrouve dans Terminator un film de
science-fiction américain réalisé par James Cameron,
sorti en 1984, dont la thématique principale est la
suprématie des machines sur les hommes. Ce film
est devenu l’un des classiques du cinéma d’action et
d’anticipation des années 1980. On retrouve aussi
dans Dune de Herbert une présentation d’un monde
futuriste où les machines auraient eu un impact fort
sur la société. Une des particularités de ce monde
est d’avoir banni la machine « qui contrefait l’es-
prit humain », jugée mauvaise et dangereuse : « Les
hommes ont autrefois confié la pensée aux ma-
chines dans l’espoir de se libérer ainsi. Mais cela
permit seulement à d’autres hommes de les réduire
en esclavage à l’aide de machines.  ». Aujourd’hui de
nombreux chercheurs s’accordent pour dire que ce
genre d’utopie relève plus d’un fantasme que d’une
réalité imminente.
Néanmoins, la peur des objets technologiques est bien
réelle: on parle de technophobie. Ce terme est utilisé
pour désigner un rejet de la technique. La technopho-
bie se manifeste le plus souvent par un évitement de
contact avec la technologie. On rattache l’origine de
ce terme à la révolte des luddites, un conflit indus-
triel violent contre l’automatisation du travail par les
machines entre 1811 et 1813 en Angleterre. Cette rébel-
lion avait permis de faire naître des questionnements
autour des machines et du travail. De même l’astro-
physicien britannique spécialiste des trous noirs,
Stephen Hawking présageait que « le développement
d’une intelligence artificielle complète pourrait mettre
fin à la race humaine »32. Cette prédiction semble tout
droit sortie d’un film de science fiction, « le scienti-
fique a déclaré que le développement de l’intelligence
artificielle pourrait provoquer dans la réalité un scé-
nario comparable à celui des films Terminator.  »33
La science-fiction a sans aucun doute permis de
généraliser une pensée collective dans laquelle la
machine peut être dangereuse et incontrôlable. Il est
vrai que l’arrivée de la robotique dans notre vie quo-
tidienne comporte des risques bien réels dont il faut
se prémunir pour se pourvoir d’un esprit critique et
être mieux protégé de ces nouveaux compagnons.
32→ Les robots sont-ils nos amis ? Rfi,
2014, Dominique Desaunay
33→ LAFP, Une intelligence artificielle
complète pourrait mettre fin à la race
humaine, la Tribunre, 2014
les dangers réels
vivre en compagnie des robots
61
Comme vu précédemment, l’empathie et l’atta-
chement pour les robots présentent de nombreux
risques pour l’utilisateur. C’est la cas de l’attache-
ment émotionnel trop fort des soldats avec leurs
robots démineurs qui pourrait aller jusqu’au sacri-
fice pour sauver un robot. Dans une situation plus
quotidienne, la collecte d’informations est présente
tout autour de nous. Nous laissons échapper des in-
formations personnelles sans même nous en rendre
compte. Mais qu’en sera-t-il lorsque même chez nous
ces informations pourraient être récoltées par les fa-
bricants de robotique ?
En effet, dans la première partie nous avons abordé
l’importance de placer sa confiance dans un robot
pour l’accepter dans notre quotidien. Les robots
vont introduire une nouvelle manière de collecter
des données. Dans cette relation nous pourrions
livrer plus d’informations personnelles car notre vi-
gilance serait altérée par une relation de confiance.
Aujourd’hui rien ne nous garantit que nos infor-
mations personnelles seront sécurisées. Certains
parlent même de réels espions auxquels nous allons
laisser l’accès à notre intimité et qui menacent notre
vie privée. « Si les sourires de ces petites machines
nous encouragent à baisser la garde, quitte à leur
livrer nos secrets sur un plateau, que deviennent
ces données, qui en fait quoi ? Ce sont des poten-
tiels espions, armés de caméras et de micros que
nous invitons à partager notre intimité » retrouve-
t-on dans lintroduction de l’essai En compagnie des
robots rédigée par l’éditeur. Néanmoins la collecte
d’informations peut avoir des usages que l’on pour-
rait qualifier de bénéfique.
LES DANGERS RÉELS
DE LA COMPAGNIE
DES ROBOTS
les dangers réels
vivre en compagnie des robots
63
les dangers réels
vivre en compagnie des robots
Certains robots aujourd’hui présents
dans le domaine thérapeutique et
médical usent de ce stockage de
données en les enregistrant et en
transmettant les informations aux
soignants. C’est notamment le cas de
Nao, créé par SoftBank robotics.
Figure 7: Le robot Nao interagit avec des enfants pré-
sentant des troubles du spectre autistiques pour les
aider dans leur vie scolaire. © Pierre DESTRADE
Nao, © Inserm/Patrice Latron
vivre en compagnie des robots les dangers réels
62
les dangers réels
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vivre en compagnie des robots les dangers réels
64
Ce type de robots de compagnies fournissent une
présence auprès d’un certain nombre de personnes
sans épuiser le personnel. C’est ce qu’explique Jean
Gabriel Ganascia « Ils enregistrent et transmettent
l’information, ce qui rassure l’entourage immédiat,
le personnel soignant et les enfants. Ceux-ci sauront
exactement ce qui se produit et seront, si jamais il y
a un problème, capables d’intervenir à temps. .  »34.
Il est prouvé, surtout en psychologie, qu’un patient
peut se sentir plus à l’aise de converser avec une
machine à des fins thérapeuthique, c’est d’ailleurs
le rôle du chatbot Eliza35, une thérapeuthe virtuelle
dont la première version remonte aux années 60.
Cette faculté à se confier plus facilement à un robot
pourrait être un nouveau moyen d’établir, peut être,
des diagnostics plus sûrs dans la mesure où les
échanges entre humains et machines seraient récu-
pérés par les soignants qui peinent plus à obtenir
des informations complètes.
Néanmoins il y a un point sur lequel il est nécessaire
d’être vigilant: une tendance trop forte à l’anthro-
pomorphisme. Il existe deux risques à cela, oublier
que l’interlocuteur nest qu’un objet et oublier que
la machine en est une en lui attribuant des senti-
ments propres à elle. Pour des publics non avertis,
surtout les enfants et les personnes âgées, la forme
attractive des robots modernes leur fait oublier qu’ils
sadressent à un objet. Qu’en sera-t-il si un robot
manque de se faire écraser et en le prenant pour un
humain une personne âgée est blessée parce qu’elle
a tenté de lui venir en aide ? Il en va de même si nous
nous mettons à penser que notre robot peut réelle-
ment souffrir. Lanthropomorphisme est un compor-
tement très naturel et difficilement contrôlable, nous
avons même vu plus haut qu’il nous aide à voir de
nous dans les robots et de ce fait mieux les accep-
ter dans nos vies. Mais cette tendance trop forte à
l’anthropomorphisme mêlée à nos sentiments pose
problème. En effet le sentiment empathique pour-
rait nous amener à considérer un robot comme un
35→ ELIZA est un programme informatique
qui tente de simuler un entretien avec un
thérapeute rogérien (thérapie axée sur la
répétition et l’empathie)
34→ IBENSOUSSAN Alain, DARLING
Kate, GANASCIA Jean-Gabriel,
CONSTANTINIDES Yannis, Op. cit
surhomme, en oubliant que la machine est une
machine. C’est ce qu’explique Serge Tisseron à
propos des robots démineurs, il préconise de rappe-
ler « que les missions destinées aux robots puissent
toujours être accomplies par des êtres humains,
de façon à éviter que se développe l’idéologie d’un
robot surhumain qui devrait être protégé en priori-
té »36. C’est d’ailleurs ce que préconise Julie Carpenter
dans son livre Culture and Human-Robot Interaction
in Militarized Spaces: A War Story. Elle propose de
revenir au fait que le robot est un outil et de le rap-
peler jusque dans leur forme afin de leur donner une
apparence peu attractive et surtout moins de person-
nalité pour limiter l’attachement trop fort des soldats
envers eux. 37
On retrouve bien évidemment un danger dans cette
tendance à estimer que nos rapports sont égaux
par l’anthropomorphisme émotionnel comme le
souligne Serge Tisseron « Le danger ne vient pas de
considérer comme symétrique une relation qui ne
l’est pas, mais de sous-estimer l’importance des in-
formations que les programmeurs du robot, ou les
services chargés de sa maintenance, obtiendront
sur son utilisateur, et des usages qu’ils pourraient en
faire »38. Il est plus que nécessaire pour le psychiatre
de ne pas laisser aux roboticiens la liberté absolue
de créer des robots selon leur simple volonté sans
penser au danger. Il faut dès à présent se prémunir
de risques éventuels pour mieux préparer le futur.
Car, en effet, il nous a été aisé de voir que les com-
portements les plus fréquents ne sont pas ceux qui
avaient été, de base, imaginés lors de la concep-
tion. Et ce sont ces comportements « déviants »
de l’homme vis-à-vis de la machine qui pourraient
aussi comporter des risques. Le comportement le
plus problématique qui en découle est celui de la
perte de liens sociaux entre humains.
36→ TISSERON Serge, Le Jour
où mon robot maimera, édition
Albin Michel, 2015
37→ CARPENTER Julie, Culture and
Human-Robot Interaction in Militarized
Spaces: A War Story, édition Routledge,
2015.
38→ TISSERON Serge, Le Jour où mon
robot maimera, édition Albin Michel,
2015
vivre en compagnie des robots les dangers réels
les dangers réels
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vivre en compagnie des robots
67
En effet, le robot à cette compétence d’être à notre
service, de nous écouter sans broncher et cela peut
poser problème. Laurence Devillers dans son livre
Les robots émotionnels: Santé, surveillance, sexualité. . .  :
et l’éthique dans tout ça  ? met en garde sur le fait que
les machines « en nous accaparant, peuvent aussi
nous isoler des autres et appauvrir nos relations
et nos connaissances si nous n’y prenons garde »39.
Comme exemple concret de machine ayant modifié
nos comportements il y a l’exemple du téléphone
portable, « être joignable tout le temps nous a rendu
moins patients. De la même façon, à trop fréquen-
ter des robots gratifiants, nous pourrions devenir
moins tolérants face aux désaccords et aux frustra-
tions qui, inévitablement, accompagnent la vie avec
nos semblables.  »40. Cet exemple des smartphones
illustre aussi la perte de connaissance liée à notre vie
en compagnie du numérique, par exemple sans notre
téléphone sur nous, serions-nous capable de réaliser
un itinéraire seul•e ? probablement pas. On parle au-
jourd’hui d’une réelle addiction à nos smartphones,
un outil d’assistance, alors un jour pourrions-nous
être addict à notre robot ?
Au-delà d’un isolement probable et de la perte de
liens humains, un des dangers qui se soulève aussi
dans nos interactions avec les robots est la perpé-
tuation probable de certains schémas stéréotypés.
En effet, pour reprendre l’exemple des Love Dolls,
elles nincarnent que des femmes, aux physiques
bien éloignés de la diversité des humaines, avec des
comportements stéréotypés créés par des hommes
pour des hommes. Cet exemple permet de mettre en
lumière un nouveau potentiel dangereux de la robo-
tique: celui d’être le miroir de ses créateurs, de leurs
idéaux et de ses utilisateurs. Penser que les robots
ne sont ni sexistes ni racistes en pensant qu’ils ne
pensent pas d’eux mêmes est une idée dangereuse.
En effet il est nécessaire de prendre en compte les
idéaux de leurs créateurs et ce que nous-même nous
serions capable de leur apprendre. Le milieu de la
39→ DEVILLERS Laurence,
Les robots émotionnels: Santé,
surveillance, sexualité. . .  : et
l’éthique dans tout ça  ?, édition
L’Observatoire Eds De, 2019
40→ D. COT Bruno, interview
- « Intelligence artificielle:
« Restons maîtres des robots » »,
l’Express, 2015, avec Serge
Tisseron
robotique nest pas un milieu très mixte, ce manque
de diversité pose des problèmes de perpétuation de
stéréotypes et d’habitudes. Dans les écoles de numé-
rique par exemple, le taux de femmes est inférieur à
10%41. Se pose alors la question de la représentation.
Laurence Devillers42 met en garde sur le rôle de re-
présentation que vont avoir les robots « le soucis c’est
de voir que les biais existant dans la société puissent
exister à travers ces machines automatiques [. . . ]
il faut faire attention à l’image de la femme qui est
derrière et aux roles que l’on veut faire jouer aux ma-
chines ». Il y a donc le rôle de la représentation qui
se pose, pourquoi faire le choix de faire des robots
genrés ? Par exemple, les voix synthétiques, celles
présentes dans les agents conversationnels tels que
Siri, Alexa, Google Home comportent des attributs
humains, leurs voix sont genrées en fonction de
règles stéréotypées. Par exemple, pour les concep-
teurs une voix féminine sera utilisée car elle est plus
douce et docile, alors que dans des contextes d’au-
torité, pour eux, il sera préférable d’utiliser une voix
masculine synonyme de pouvoir. En dehors du fait
que ces agents perpétuent des stéréotypes de genre,
ils redessinent aussi les rôles. Par exemple, au Japon
il existe de nombreux assistants vocaux, dont notam-
ment Azuma: « D’immenses yeux bleus, jupe ras le
bonbon, voix cristalline, comme une version manga
de la fée clochette, Azuma Hikari est un hologramme
délicieux qui veille gentiment sur son propriétaire. »43.
Le problème que soulève ce genre de dispositif est
aussi que le comportement stéréotypé de ces agentes
véhicule et renforce l’idée de la femme objet.
41→ Animé par GARDETTE
Hervé, « Les robots ont-ils des
préjugés  ? » France Culture, 2018,
avec Cedric Villani
42→ Animé par GARDETTE
Hervé, « Les robots ont-ils des
préjugés  ? », France Culture, 2018,
avec Laurence Devillers, autrice de
« Des robots et des femmes »
43→ SUTTER Béatrice, « Ces
robots sont faits pour lamour,
et vous allez adorer les aimer »,
l’ADN, 2018
vivre en compagnie des robots les dangers réels
les dangers réels
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Azuma, gatebox
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70
Il y a aussi des cas où, les comportements sont tel-
lement internalisés que cela donne lieu à des si-
tuations où la machine va révéler les failles de sa
conception. C’est le cas d’une intelligence artificielle
mise en place par Amazon qui était chargée de trier
les CV. Un peu moins d’un an après son lancement,
l’entreprise sest rendu compte que l’IA « n’aimait »
pas vraiment les femmes, car à compétences égales
avec un homme ces dernières étaient toujours moins
bien notées. Pour cause cette intelligence artificielle
avait été entraînée à partir de CV de personnes tra-
vaillant entre 2004 et 2014 chez Amazon, des per-
sonnes qui étaient majoritairement des hommes.
L’intelligence artificielle privilégiait donc les CV mas-
culins, et pénalisait des CV contenant la mention
« women » (femme).
Ces nombreux dangers ajoutés à ceux implantés
dans l’imaginaire collectif par la science fiction nous
dirigent dès à présent à repenser notre manière de
créer de la robotique. En effet les problèmes sou-
levés sont bien réels; attachements trop forts à la
machine, collectes de données, espionnage, ten-
dances trop fortes à l’anthropomorphisme, modi-
fications des liens entre humains, accentuation et
perpétuation de biais sociaux… Ces nombreux enjeux
se proposent d’être résolus en pensant notamment
par le design éthique.
se prémunir des risques, le design éthique
vivre en compagnie des robots
73
Comment se prémunir face à de tels dangers ? C’est
la question à laquelle Serge Tisseron à tenté de ré-
pondre dans son interview pour l’Express paru en
2015 « Intelligence artificielle: "Restons maîtres des
robots" »44 : « D’abord, en réfléchissant au plus vite
à une législation qui protège notre intimité. Ensuite,
c’est aux acteurs de cette puissante industrie, les
fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon),
d’accepter d’aller vers des systèmes ouverts, en
open source, qui restent accessibles à tous. Enfin, il
y a un travail d’éducation à lancer auprès des jeunes
générations pour les préparer à la révolution de
la robotique. Cela passe, dès l’école primaire, par
le développement d’un esprit critique afin que les
élèves prennent le recul nécessaire. Puis, plus tard,
par la maîtrise du langage de programmation, qui
doit devenir une discipline à part entière, au même
titre que le français ou les mathématiques, pour
agir sur ces technologies. Il y a urgence à enseigner
à nos enfants comment rester maître des robots.
Parce que, eux, à coup sûr, les fréquenteront au quo-
tidien.  ». Il sagit donc pour le psychiatre de donner
accès à tous aux ressources et aux savoirs néces-
saires pour comprendre ce qu’est la robotique.
SE PRÉMUNIR DES
RISQUES, LE DESIGN
ÉTHIQUE
44→ D. COT Bruno, interview - « Intelligence
artificielle: "Restons maîtres des robots " »,
l’Express, 2015, avec Serge Tisseron
Comment le mone pourrait se redessiner?
vivre en compagnie des robots
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vivre en compagnie des robots Comment le mone pourrait se redessiner?
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vivre en compagnie des robots se prémunir des risques, le design éthique
C’est d’ailleurs ce que le « Serment d’Hippocrate pour
Data Scientist » élaboré par Data for Good45 tente de
mettre en place. Ce serment sengage à informer
« de façon compréhensible et précise » sur les « fi-
nalités » et les « implications potentielles » de l’uti-
lisation des données46. Ce modèle s’inspirant du
serment d’Hippocrate (qui est prêté par les nou-
veaux soignants diplômés, qui n’a pas de valeur
juridique mais qui est un réel symbole de morale)
sadresse aux individus et non aux entreprises ou
institutions. Une série de grands principes auxquels
les professionnels du numérique peuvent adhérer
en signant les textes en ligne.
Cette volonté d’aller vers une transparence et vers
des systèmes open source est notamment l’un des
piliers du design éthique.
Léthique constitue initialement un champ d’étude
en philosophie. Un comportement est dit éthique
dans la mesure où il est en accord avec les attentes
culturelles d’une société en relation avec la mora-
lité et l’équité47. En philosophie, si la morale a une
portée universelle, l’éthique s’apparente plus à une
méthode pour guider les actions humaines. C’est
par l’éthique que se proposent de réfléchir de nom-
breux chercheurs et designers concernant les nou-
velles technologies.
Aujourd’hui on entend de plus en plus souvent parler
de l’« ethic by design », pris littéralement, la formule
se transpose en « éthique par conception »48 ou en
« éthique dès la conception » (définition proposée par
Jean Gabriel Ganascia dans un article pour Science
avenir). C’est aux Etats Unis que ce mouvement
prend source, pour un numérique durable, initié par
des anciens collaborateurs de chez Google. En effet,
les géants du numérique feraient un usage abusif
de la captologie. La captologie se définit comme une
technique de persuasion et de changement de com-
portement. Le design éthique est une pensée globale
45→ site internet
dataforgood. com
46→ LEGROS Claire, « Un
« serment d’Hippocrate »
pour les professionnels de
l’intelligence artificielle », Le
Monde, 2015
47→ Défnition présente
dans: Ethique des robots
intelligents dans la société
humaine: Regards croisés
issus du droit, de la science et
de la littérature
48→ GANASCIA Jean
Gabriel, « Du bon usage
de l’expression éthique by
design », Sciences avenir,
2022
qui « sintéresse à la conception du numérique sur
plusieurs axes : vie privée, attention, conception éco
responsable ou encore légalité. Il sagit d’analyser
l’impact du design de service numérique comme les
chatbots sur ses utilisateurs et son environnement,
et de faire en sorte que la pratique professionnelle
soit la plus transparente, la moins injuste et discri-
minante et la plus respectueuse possible.  ». Une
définition que l’on retrouve dans le livre Les robots
émotionnels écrit par Laurence Devillers49 dans
lequel elle liste des règles de préconisations pour que
les chatbots et les robots respectent les différences
socioculturelles de chacun•es:
49→ DEVILLERS Laurence, Les
robots émotionnels: Santé, surveillance,
sexualité. . .  : et l’éthique dans tout
ça  ?, édition L’Observatoire Eds De,
2019
stimuler des émotions positives chez les humains;
 améliorer les relations humain-humain, le bien-être
et la résilience chez les humains;
 mettre l’accent sur les souvenirs positifs;
 avoir des valeurs définies en fonction de celles de
leurs développeurs qui peuvent être différentes de
celles de la société où ils sont insérés;
 ne pas discriminer les humains ayant des valeurs
culturelles/sociologiques/religieuses différentes de
celles de leurs concepteurs ;
 moduler/adapter leurs valeurs sil n’y a pas de
conflits notoires selon la société où ils sont insérés.  »
Comment le mone pourrait se redessiner?
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Cette liste donne à voir une révision de la concep-
tion de la robotique en incluant des enjeux plus
éthiques et en ne les limitant plus simplement à un
statut de machine mais en pensant dès sa concep-
tion aux valeurs positives et inclusives qu’elle pour-
rait diffuser. Ces prédispositions sont nécessaires
pour anticiper les incidences éthiques, sociétales et
politiques que pourrait avoir la robotique sur nos
vies. Le design éthique propose de penser dès à
présent à des robots justes, durables et respectueux
de l’environnement. Penser une robotique éthique
c’est bien entendu, que les humains engagés dans
le processus de création se comportent eux aussi de
manière éthique.
Lin Xin, Sisterhood III, 2009
3L’EFFET MIROIR
D’UNE ROBOTIQUE
HUMANISÉE
Comment le mone pourrait se redessiner?
vivre en compagnie des robots
83
Sherry Turkle, psychologue américaine, déclare que
les robots « ne se contentent pas de faire des choses
pour nous, ils nous changent en tant que personnes,
ils changent notre façon d’être au monde, notre façon
de nous considérer, nous et les autres »50. Il paraît
évident que la robotique va provoquer des change-
ments profonds dans notre manière d’être au monde,
d’interagir, de travailler. . .
COMMENT NOTRE
RELATION AVEC LES
ROBOTS POURRAIT
REDESSINER
NOTRE MONDE ?
50→ citation présente
dans l’Essai de En
compagnie des Robots
- op. cit
vivre en compagnie des robots Comment le mone pourrait se redessiner?
Comment le mone pourrait se redessiner?
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Brigitte Munier docteur en sciences sociales, dans
son livre Robots: Le mythe du Golem et la peur des ma-
chines paru en 2011 explique que « la crainte occi-
dentale contemporaine de machines intelligentes
menaçant de gouverner l’humanité camoufle une
angoisse ancienne et croissante, celle de ne plus
trouver de sens à la nature et à la vie de l’homme »51,
l’arrivée de la machine remet donc inévitablement
sur la table la question de ce qui nous différencie en
tant qu’hommes de la machine, là où l’homme peine
déjà à comprendre sa place dans l’univers. Brigitte
Munier explique qu’en Occident « nous avons défini
l’homme pendant plus de 25 siècles comme ayant
une âme dotée d’une origine transcendante »52. Une
définition à réviser, si l’on considère aussi l’intelli-
gence artificielle comme une âme. Pourtant cette
pensée nest pas générale, la culture japonaise par
exemple nest pas du tout effrayée par la robotique
et pour cause: les Japonais perçoivent davantage la
machine comme un compagnon et un alter ego que
comme une menace. Larrivée de la robotisation
remettra donc en Occident la place de l’homme en
question, là où à son habitude il est l’espèce la plus
dominante puisque la plus intelligente. L’hypothèse
que la machine surpassera l’homme est plus que
probable; à ce moment-là quelle sera sa réaction ?
Allons-nous nous diriger vers une société transhu-
maniste pour essayer de les égaler ?
Le transhumanisme est un mouvement fondé sur
l’espoir de l’avènement d’un homme augmenté phy-
siquement et intellectuellement par la technologie.
L’ambition de devenir un homme augmenté remonte
au moins au mythe de Prométhée: lorsque les hommes
se voient confier le feu et la technique, les arrachant
à la nature pour les rapprocher des dieux. C’est d’ail-
leurs dans un sens religieux que l’on retrouve les pre-
mières formes de ce concept, « Le mot trasumanar
apparaît chez Dante au XIVe siècle, dans un sens très
religieux (l’homme sort de sa condition pour aller à
la rencontre de Dieu) » comme l’explique Alexandre
52→ Ibid
Moatti (ingénieur en chef des Mines et chercheur
associé au laboratoire d’histoire des sciences
SPHERE de l’Université de Paris. ), dans un entre-
tien pour Le Figaro53. Le transhumanisme, lui-même,
trouve ses origines dans les années 1930, en France
notamment, tandis que paraît Le Meilleur des Mondes
(Brave New World), la dystopie transhumaniste dAl-
dous Huxley en 1932. Mais c’est en 1990 que la défi-
nition du mouvement est révisée par Max More un
philosophe anglais, spécialiste du transhumanisme
fondateur de l’Extropy Institute. Il propose dans ses
« Principes de l’Extrophie » une définition revisitée
du transhumanisme : « Le transhumanisme est une
classe de philosophies ayant pour but de nous guider
vers une condition posthumaine. Le transhuma-
nisme partage de nombreuses valeurs avec l’huma-
nisme parmi lesquelles un respect de la raison et de
la science, un attachement au progrès et une grande
considération pour l’existence humaine (ou transhu-
maine) dans cette vie. […] Le transhumanisme diffère
de l’humanisme en ce quil reconnaît et anticipe les
changements radicaux de la nature et des possibili-
tés de nos vies provoquées par diverses sciences et
techniques.  »54. Les grosses entreprises en ont déjà
saisi les enjeux économiques et investissent déjà le
marché du transhumanisme. C’est d’ailleurs le cas
de Google avec sa filiale Calico qui est spécifique-
ment dédiée à la lutte contre le vieillissement grâce
aux nanotechnologies.
53→ IMAD Joachim, « Aux origines
du projet transhumaniste », 2020,
le Figaro
54→ Petite histoire du
transhumanisme, mediatheque
de la ville de Senis
vivre en compagnie des robots Comment le mone pourrait se redessiner?
Comment le mone pourrait se redessiner?
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vivre en compagnie des robots
87
Les robots vont profondément impacter notre
rapport à la vie et à la mort. Car les êtres robo-
tiques ne vieillissent pas, mais ils cultivent pour les
transhumanistes le fantasme de vivre plus long-
temps voir d’être immortel. C’est notamment l’ob-
jectif du transhumaniste et futurologue Ray Kurzweil
spécialiste d’intelligence artificielle chez Calico, «  Dès
les années 2030, nous allons, grâce à l’hybridation
de nos cerveaux avec des nano-composants élec-
troniques, disposer d’un pouvoir démiurgique »55 (le
démiurge est un dieu créateur). Elon Musk, le fonda-
teur de SpaceX, Tesla et Open AI a annoncé en 2020:
concevoir des implants cérébraux pour rendre l’hu-
main plus intelligent et plus fort face à l’intelligence
artificielle. La pensée transhumaniste se veut d’aug-
menter la vie humaine à l’aide de la technologie, mais
à quelle point notre vie peut-elle se mêler à la robo-
tique ? Les nouvelles technologies ont déjà investi
le milieu de la médecine avec des prothèses robo-
tiques, des stimulateurs cardiaques, des lunettes,
des pompes à insulines. . Mais aussi dans le domaine
professionnel, avec des exosquelettes permettant de
préserver le corps de mouvement répétitif ou encore
des dispositifs robotiques nous remplaçant sur notre
lieu de travail. C’est le cas de T-HR3, un prototype de
robot télécommandé présenté par Toyota.
55→ BOYER Philippe, « Fusion de
l’humain et de la technique : demain,
l’immortalité », LaTribune, 2014
vivre en compagnie des robots Comment le mone pourrait se redessiner?
Comment le mone pourrait se redessiner?
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vivre en compagnie des robots
89
Ce projet pourrait permettre à des ouvriers de tra-
vailler sans avoir à se rendre sur leur lieu de travail.
En effet, il suffirait d’enfiler un casque de réalité vir-
tuelle ainsi que quelques capteurs pour contrôler
ce robot grâce à « la technologie TSM (Torque Servo
Modules) qui permet au robot d’imiter les mouve-
ments humains avec une excellente flexibilité et
équilibre. Vingt-neuf parties du corps (dont dix
doigts) possèdent une gamme complète de mouve-
ments pour une expérience fluide et synchronisée »56
(fiche produit Toyota). Lobjectif serait pour Toyota
d’imaginer un futur où l’ouvrier pourrait travailler à
l’usine en restant chez lui en utilisant le T-HR3. Un
environnement dans lequel des humains peuvent
aussi évoluer afin de collaborer avec les robots en
toute sécurité.
Si la pensée transhumaniste se diffuse et que la
société tend vers une adoration et un culte des robots,
n’allons nous pas développer une volonté de créer des
familles avec eux par exemple ? Pouvons-nous nous
imaginer avoir des enfants avec eux ? C’est le défi fou
que sest lancé Sergi Santos qui déclarait en 2017 avoir
imaginé un système permettant à un être humain de
se reproduire avec un robot. Le concept, compliqué à
mettre sur pied, consiste à créer un génome artificiel
à partir des propriétés physiques et psychologiques
de la « poupée-mère » et du géniteur. Par la suite, en
associant le génome à un algorithme puis à une impri-
mante 3D, il serait, selon l’inventeur, possible de créer
un bébé-robot « ressemblant » aux deux parents, mais
tout ceci relève encore de la pure théorie57. Ce dernier
aurait même déclaré vouloir « créer une autre forme
d’intelligence artificielle et l’insérer dans un enfant
robot. Il serait donc un genre de mélange entre les
personnalités respectives de l’humain et son robot ».
La pensée de ce créateur est probablement trop ex-
travagante et ce projet ne se retrouvera jamais acces-
sible au grand public pour des questions éthiques,
mais elle interroge sur le sens donné à la vie, de la
naissance à la mort.
56→ Fiche produit T-HR3
sur le site de Toyota
57→ DEMEURE Yohan, rédacteur
scientifique, « Le robot sexuel
Samantha devient un produit de
masse en Europe… » Science Post,
novembre 2017
Et si la mort nétait plus ce qu’elle était grâce à la ro-
botique ? C’est ce qu’explique Maxime Derian, cher-
cheur sur l’impact des technologies numériques et
les mutations des sociétés industrielles en terme
de santé, d’économie et d’environnement, dans un
entretien pour Arte « À terme, certains adeptes du
[transhumanisme] prônent la création d’un posthu-
main, une version améliorée du cerveau actuel que
l’on pourrait mettre sur une puce et transférer d’un
corps à l’autre »58. Malgré que ce scénario semble tout
droit sorti d’un récit de science-fiction, nous pour-
rions un jour être capable de ressusciter nos défunts.
C’est ce que propose la fondation Américaine Alcor
Life Extension, qui propose de conserver le corps de
défunts fortunés pour les « ressusciter » si la tech-
nologie le permet un jour. Nous avons vu plus haut
l’exemple Joshua Barbeau, un informaticien Canadien
qui a créé un chatbot entraîné avec les données de sa
petite amie décédée, et si ce projet allait plus loin en
créant un robot humanoïde imitant le défunt ?
C’est le projet « Digital Shaman » qu’a imaginé l’ar-
tiste japonaise Etsuko Ichihara en mettant au point
un concept de robot à l’effigie d’un défunt pour per-
mettre aux proches de dire adieu à la personne, en
douceur: « Grâce à une imprimante 3D, un masque
réalisé à partir d’une photo du défunt peut être
confectionné et utilisé sur l’un des deux robots,
Pepper ou Nao59. Une fois programmé, il est prêt à
accompagner la famille dans sa douleur.  ». Il devient
alors possible de partiellement dialoguer avec le
défunt grâce notamment au fait que le robot est
capable d’évoquer quelques souvenirs.
58→ « Corps augmenté: jusqu’où peut
on aller ? », Arte, 2019
59→ « Deux robots assistants
de la société Softbank
vivre en compagnie des robots Comment le mone pourrait se redessiner?
Comment le mone pourrait se redessiner?
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Exemple de masque imprimé en 3D sur Pepper pour le projet Digital Shaman
Exemple de masque imprimé en 3D sur Nao pour le projet Digital Shaman
vivre en compagnie des robots Comment le mone pourrait se redessiner?
Comment le mone pourrait se redessiner?
92
vivre en compagnie des robots
93
Mais pour l’artiste ce robot na pas pour vocation de
remplacer éternellement le défunt, en effet « la durée
de vie » du robot nest que de 49 jours afin de respec-
ter les croyances bouddhistes qui veut que l’âme du
défunt reste autour de ses proches durant 49 jours.
Pour elle le robot « est davantage là en qualité d’exu-
toire, pour permettre à la personne en deuil d’éva-
cuer son chagrin et de dire au-revoir.  ». Ce projet
malgré les questions éthiques qu’il soulève, pose un
regard assez poétique sur la robotique et la mort,
de plus il ne laisse pas croire qu’une personne est
éternelle, il questionne aussi la robotisation de nos
rites et coutumes. C’est ce qu’interroge l’épisode 1 de
la saison 2 de la série Black Mirror intitulé « bientôt
de retour » (« be right back »). Cet épisode met en
scène une jeune veuve qui découvre une offre en
ligne permettant de créer un simulacre de son mari
à partir de ses traces virtuelles. Cet épisode met
surtout en lumière l’impossibilité du deuil lorsque
sentrecroisent IA et amour. Néanmoins l’expérience
devient insupportable car cet être robotique nest
pas son mari, les détails ne sont pas présents, il ne
respire pas, n’a pas d’humour. Ce récit propose un
regard critique de ce que pourrait être la présence de
deadbot dans notre quotidien, car, malgré le réalisme
physique ces êtres ils ne seront jamais « capables
d’esprit critique, d’émotions, d’intuition et d’états
d’âme, à moins de recopier le déjà-vécu. Nos esprits
pourront survivre à nos corps biologiques mais pour
tourner en rond dans le passé.  » comme l’explique
justement Laurence Devillers dans son livre Les
robots émotionnels.
Image issue de l’épisode de Black Mirro « Be right bax »
La robotique, potentiel d’un futur optimiste?
vivre en compagnie des robots
95
Nous avons pu voir jusqu’à maintenant que la ro-
botique représente de nombreux enjeux éthiques
au vu des travers sociétaux qu’elle pourrait engager.
Malgré tout, ces entités représentent de nombreux
bénéfices pour notre vie. Mais ne pourrions-nous
pas voir dans les robots un espoir qu’ils portent des
valeurs positives porteuses de changements béné-
fiques pour la société ?
POTENTIEL
D’ÉVOLUTION FAVORABLE,
LA ROBOTIQUE PEUT-
ELLE ÊTRE UN MOYEN DE
PRÉSENTER UN FUTUR
OPTIMISTE ?
vivre en compagnie des robots La robotique, potentiel d’un futur optimiste?
La robotique, potentiel dun futur optimiste?
96
vivre en compagnie des robots
97
C’est ce qu’avait imaginé Donna Haraway dans son
Manifeste cyborg paru en 1984, et traduit en 2002
en français par Nathalie Magnan. Tout d’abord,
pour saisir tout l’enjeu de ce texte il est nécessaire
de comprendre que Haraway, parle de la cyborg au
féminin et non du cyborg. Elle propose une réflexion
ironique des femmes dans le circuit intégré quelle
décrit comme des cheffes de familles puisque les
hommes ont été chassés de leur travail par la robo-
tique. Désormais la société repose sur ces femmes.
Haraway construit la figure de la cyborg comme un
composite socio-economico-physique, non pas faite
de métal, mais comme des êtres composées de tas de
caractéristiques qui peuvent s’unir. Chez Haraway60
la cyborg interroge le présent, pétrit les « rapports
de pouvoir » que sont le patriarcat, le capitalisme et
le colonialisme. Elle trace une « cartographie » de la
réalité corporelle et sociale pour les femmes au XXe
siècle. Elle propose une orientation féministe pour
l’avenir en prononçant que le cyber-espace doit saf-
firmer comme un lieu défait de l’hégémonie mascu-
line. Ses travaux, qui appellent à saisir les possibilités
d’émancipation offertes par les technosciences, ont
largement inspiré les mouvements cyberféministes.
Le cyberféminisme est un mouvement fémnisiste
prenant ses sources dans l’arrivée des nouvelles
technologies dans les années 80. Comme le préco-
nise Haraway ce mouvement a pour vocation de faire
du numérique un térritoire préservé de la domina-
tion masculine. Ce courant s’ancre dans les travaux
de Haraway, mais aussi dans ceux du collectif austra-
lien VNS Matrix, qui publie en 1991 son « Manifeste
cyberféministe pour le XXIe siècle », rédigé par l’ar-
tiste canadienne Nancy Paterson et la théoricienne
britannique Sadie Plant.
60→ HARAWAY Donna, Manifeste
cyborg, édition Exils, traduit en 2002
par Nathalie Magnan, 1984
A billboard based on the manifesto shown on the side of Tin Sheds Gallery, Sydney, in 1992. Photo: VNS Matrix.
vivre en compagnie des robots La robotique, potentiel d’un futur optimiste?
La robotique, potentiel d’un futur optimiste?
98
vivre en compagnie des robots
99
En 2015 le collectif Laboria Cuboniks publie son ma-
nifeste, Xenofeminism: A Politics for Alienation. Lenjeu
est désormais de passer de la théorie à la pratique,
en définissant des moyens d’action pour mettre les
technosciences au service des objectifs féministes.
« Le xénoféminisme estime que lordre social qui nous
est imposé nous oppresse, car il génère des divisions
(fondées sur le genre, la classe sociale ou la race) et
par conséquent crée des conditions idéales pour une
discrimination (. . . ) Les xénoféministes discutent de
la façon dont on pourrait changer les objectifs des
technologies existantes pour les rendre plus utiles
à la société et, surtout, pour qu’elles ne puissent
pas être utilisées comme un outil de discrimination
sexuelle.  »61
De nombreux mouvements féministes ont donc
tenté, et continuent de mener des actions pour s’em-
parer des technosciences et déployer la pensée de
Donna Haraway. Elle pense par la figure, elle propose
de nouveaux personnages pour créer de nouvelles
mythologies, elle sentoure d’un « Kin group of femi-
nist figures » susceptible de nous conduire ailleurs.
C’est donc là toute la force de la cyborg proposé par
Haraway, c’est la possibilité de construire un monde
post-genre sans binarité naturel/artificiel, corps/
esprit, homme/femme, physique/non physique,
humain/animal, mais plutôt penser comme une
hybridation, comme un composite socio-economi-
co-physique. Elle efface les frontières tout en les af-
firmant, en raisonnant par la cyborg, en faisant entrer
l’un dans l’autre la cybernétique et l’organisme. Le
cyberféminisme a participé à montrer que le genre
sert d’accès critique à la pensée sur la représentation
du monde qu’on peut se faire. Le genre nest pas à
éloigner des problématiques liées à la robotique. Le
questionner peut être un moyen d’offrir des perspec-
tives d’un monde plus inclusif et équitable pour tous.
Il se pourrait même que la robotique commence déjà
à faire ses preuves là-dessus.
61→ CUBONIKS Laboria, Xeno
Feminism: A Politics for Alienation,
édition Verso, 2018
Dans le podcast « comment converser avec les
machines parlantes »62 de France culture, Alexei
Grinbaum, physicien et philosophe, membre du
Comité National pilote d’éthique du numérique
(CNPEN) et co-rapporteur du rapport « Agents
conversationnels : enjeux éthiques » évoque le poten-
tiel que pourrait avoir l’intelligence artificielle à nous
faire effacer les pronoms genrés de notre langage. En
effet lorsque l’on commence à taper une recherche
la machine la complète pour nous, les concepteurs
ont éliminé les pronoms genrés pour ne pas froisser
l’utilisateur. Par cette habitude nous pourrions nous
aussi nous mettre à penser sans ce lexique de mots
genrés. Rendre la robotique plus mixte dans tous
ces acteurs ne pourra être que bénéfique pour notre
société future. Néanmoins, cela serait une utopie de
croire qu’une société robotique serait d’une harmonie
parfaite. La présence des robots dans notre quotidien
pourrait creuser les inégalités sociales. En effet l’arri-
vée massive de robots dans notre quotidien pourrait
être accompagnée de pertes d’emplois, d’inégalité face
à leurs acquisitions, d’une hyper surveillance, d’une
croissance démesurée. . . Mais surtout ils pourraient
être à l’origine de pertes de liens sociaux entre les indi-
vidus. En effet, le marché des personnes isolées repré-
sente une part importante de la robotique. Les robots
compagnons pourront tout autant combler un vide
comme nous isoler encore plus en nous entraînant
à vivre seulement en leurs présence. C’est ce qu’ex-
plique Jean Ellul en 1990 dans La technique ou lenjeu du
siècle: notre société se transforme, elle évolue, comme le
formule Serge Tisseron dans son livre Le jour où mon
robot maimera « une évolution qui mène inexorable-
ment vers un homme de plus en plus enfermé dans la
solitude par le travail d’un côté, et par des formes de
distraction toujours plus génératrices d’isolement de
l’autre. Les robots ne feraient alors qu’ajouter une di-
mension supplémentaire à cette situation en invitant
les hommes à préférer toujours plus les illusions pro-
grammées avec des machines aux relations difficiles
avec leurs semblables.  »63
62→ KLEIN Etienne, « Comment converser avec
les machines parlantes  ? » France Culture, 2021,
avec Alexei Grinbaum, physicien et philosophe,
membre du Comité national pilote d’éthique du
numérique et co-rapporteur du rapport « Agents
conversationnels :enjeux éthiques ».
63→ KLEIN Etienne, « Comment converser avec
les machines parlantes  ? » France Culture, 2021,
avec Alexei Grinbaum, physicien et philosophe,
membre du Comité national pilote d’éthique du
numérique et co-rapporteur du rapport « Agents
conversationnels :enjeux éthiques ».
Conclusion
vivre en compagnie des robots
101
vivre en compagnie des robots La robotique, potentiel dun futur optimiste?
100
Justine Emard, Soul Shift, 2018, vidéo, 6 min, avec Alter 1 et Alter 2, développés par Ishiguro Lab,
université d’Osaka et Ikegami Lab, université de Tokyo Photo: VNS Matrix.
Vivre en compagnie des robots a la faculté de nous
donner l’impression de nous regarder dans un miroir.
On voit en eux ce que nous sommes, ils incarnent nos
rêves, nos envies, nos fanatsmes et notre essence
même. Par ce biais, ils nous rappellent sans cesse que
nous devons être vigilant quant à leur conception et ce
que leur compagnie implique pour nous en tant qu’in-
dividu et société. Car nous avons vu quil est aisé de
se laisser fasciner par ces êtres au point den arriver
à des comportements déviants. S’il est avéré que ces
machines ne peuvent pas ressentir des émotions, ce
sont des nôtres dont nous devrons être vigilant. Pour
ce faire, il paraît décisif de se saisir dès à présent des
enjeux de la robotique au profit d’un sens critique.
Il est évident que c’est aux fabricants eux-mêmes de
sorienter vers une démarche plus éthique en séloi-
gnant d’une folie créatrice. Les robots ne doivent pas
être l’incarnation de nos vices, mais doivent être ca-
pables de transmettre des valeurs positives et inclu-
sives. Ce nest qu’avec ces critères que notre vie en
leurs compagnies peut être favorable. Les robots nous
serviront très probablement de signal nous alertant
sur les dérives de la société. Il reste à espérer qu’ils ne
les banalisent pas en les rendant encore plus accep-
tables, et qu’ils ne créent pas des nouveaux modèles
de discrimination, de manipulation et de violence.
Voilà ce qu’est peut être l’enjeu de la robotique de
demain, accepté qu’elle soit source de de grands béné-
fices autant que de grandes insécurités. C’est pourquoi
il apparaît favorable de créer des nouvelles manières
de communiquer avec les robots, d’être dans une
forme d’échange mutuel, pour que nous ne leur délé-
guons pas notre vie, mais pour qu’ils soient une nou-
velle source d’évolution sur ce que nous sommes.
CONCLUSION
Comme le conclut Laurence
Devillers elle-même « Il sera
nécessaire de remettre la
science et la recherche au
cœur de la cité et de travailler
dans un écosystème
pluridisciplinaire avec des
industriels, des chercheurs
et des politiques pour
anticiper les conséquences
des machines émotionnelles
dans la société. »64.
64→ DEVILLERS Laurence,
Les robots émotionnels: Santé,
surveillance, sexualité. . .  : et
l’éthique dans tout ça  ?
Conclusion
vivre en compagnie des robots
103
vivre en compagnie des robots Conclusion
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vivre en compagnie des robots
sitographie  podcast
Mémoire réalisé sous la direction des enseignantes
Laure Siéfert et Anne Mortal, au sein du DSAA Design Graphique et Narration
Multimédia.
Lycée Jacques Prévert de Boulogne-Billancourt.
Session 2022